Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, II.djvu/119

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fausseté bien prouvée et bien reconnue, que le compte rendu au parlement de Bretagne est l’ouvrage de cet écrivain. Voilà le premier acte d’hostilité que la société ait fait contre mon livre ; encore n’est-ce pas réellement un acte d’hostilité de sa part ; car cette production jésuitique a paru, dit-on, si révoltante au général même de la société, qu’il en a ordonné la suppression. C’est à la vérité un monstre né dans la famille, mais étouffé par avis de parents, et qui ne fera de mal à personne. Il n’est pas même absolument sûr que ce monstre ait un jésuite pour père ; des gens qui se prétendent bien instruits, lui en donnent un autre, à la vérité très digne de l’être ; c’est l’illustre et respectable apologiste de la Saint-Barthelemi, qui, chassé de France depuis quelques années en récompense de son zèle pour la bulle et pour les Jésuites, s’est réfugié à Rome, où il a eu le plaisir de dire à ses protecteurs et à ses complices des vérités qu’ils lui ont bien rendues. Les détails de cette scène ont été publiés et imprimés partout. Mais une chose moins connue, et qui servirait à mieux dévoiler encore, s’il était possible, le personnage dont on parle, c’est qu’il n’a pas été toujours l’ami et le champion de la société ; il avait commencé par être aux gages des jansénistes, et par écrire contre le père Girard dans la ridicule affaire de la Cadière. Depuis ce temps. Dieu l’a éclairé, il est devenu l’apologiste de la bonne cause, des Jésuites et de la Saint-Barthelemi.

J’apprends dans le moment que cet agent de la société vient d’être chassé de Rome ; et, ce qui ne vous fera pas moins de plaisir, que l’agent des jansénistes en a été chassé le même jour. Cela s’appelle faire maison nette et bonne justice.

Je suis, etc.




SECONDE LETTRE.

SUR L’ÉDIT DU ROI D’ESPAGNE POUR L’EXPULSION DES JÉSUITES.


15 juillet 1767.


La lettre que j’ai eu l’honneur de vous adresser, monsieur, par forme de supplément à l’histoire de la destruction des Jésuites en France, était écrite et même imprimée depuis longtemps, lorsqu’il est arrivé à ces pères de nouveaux malheurs, causés par de nouvelles sottises. Je ne m’épuiserai point en conjectures sur la nature du délit qui a forcé le roi d’Espagne à les bannir de ses États, je me bornerai à quelques réflexions.

I. Ce délit, quel qu’il soit, doit être bien grave, puisque la