Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, II.djvu/53

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rèrent ensuite sous Constance qu’il n’était qu’un homme. Témoin les miracles apocryphes, et les histoires absurdes qui déshonorent les actes[1] du septième concile général, et qui servent néanmoins de fondement principal à la décision de ce concile en faveur des images ; décision qui n’en est pas moins une loi de l’Église, irréfragable et sacrée. Témoin encore la conduite violente de S. Cyrille et du concile d’Éphèse à l’égard de Nestorius. Témoin enfin les intrigues qui ont trop souvent troublé ces assemblées saintes, et outragé, pour ainsi dire, le Saint-Esprit qui y préside ; mais, encore une fois, ce ne sont pas les motifs, c’est le résultat de la décision que les fidèles doivent considérer. C’est à ce résultat seul qu’ils doivent s’en tenir ; ils auraient trop à faire, s’il leur fallait remonter jusqu’aux causes qui ont dicté l’arrêt. Dieu a promis à son Église l’infaillibilité dans ses décisions, mais il n’a pas promis à chaque particulier la pureté dans ses motifs ; il se sert de toutes sortes de moyens, même des passions des hommes, pour faire triompher et connaître la vérité ; et il emploie les choses humaines pour faire réussir les choses divines.

D’après ces raisons, dont nous ne prétendons nullement apprécier la justesse, les partisans de la bulle se croyaient fondés à traiter les jansénistes comme des sectaires déclarés. Ceux-ci disaient, pour se défendre, que l’Église universelle était saisie de leur cause par l’appel qu’ils avaient fait au futur concile, et que jusqu’à la décision qu’ils attendaient, on ne pouvait les rejeter hors de son sein. On leur répondait qu’une foule d’hérétiques, à commencer par Pélage, si odieux aux jansénistes modernes, avaient été regardés et traités comme des novateurs, sans avoir été condamnés expressément par aucun concile œcuménique. Ils objectaient que la bulle ne proposait réellement aucune vérité à croire, parce que les qualifications accumulées d’hérétiques, de sentant l’hérésie, de malsonnantes, d’offensant les oreilles pieuses, etc., n’étaient appliquées à aucune proposition du P. Quesnel en particulier. Quelques-uns de leurs adversaires, à l’exemple d’un illustre chef d’Israël ( le cardinal de Tencin), leur répondaient, en se moquant et d’eux et de la bulle, qu’elle proposait à croire d’une foi implicite des vérités indéterminées ; les autres disaient simplement que, dans une liste de poisons, il n’était pas nécessaire de marquer expressément le degré de malignité de chacun pour avertir les citoyens de s’en préserver. On demandait encore aux jansénistes comment l’Église pouvait conserver un de ses caractères essentiels, celui d’être visible, s’il fallait la réduire à une poignée de prêtres,

  1. Fleury, Disc. sur l’Hist. Ecclés. disc. 3, chap. 7.