Page:D’Archiac - Introduction à l’étude de la paléontologie stratigraphique - Tome 1.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peine à nous former une idée de mille ans et ne pouvons plus nous représenter dix mille ans, ni même en concevoir, cent mille ?

« Le seul moyen est de diviser en plusieurs parties ces longues périodes de temps, de comparer, par la vue de l’esprit, la durée de chacune de ces parties avec les grands effets, et surtout avec les constructions de la nature, se faire des aperçus sur le nombre des siècles qu’il a fallu pour produire tous les animaux à coquilles dont la terre est remplie, ensuite sur le nombre encore plus grand des siècles qui se sont écoulés pour le transport et le dépôt de ces coquilles et de leurs détriments ; enfin sur le nombre des autres siècles subséquents, nécessaires à la pétrification et au desséchement de ces matières, et dès lors on sentira que cette énorme durée de 75000 ans, que j’ai comptés depuis la formation de la terre jusqu’à son état actuel, n’est pas encore assez étendue pour tous les grands ouvrages de la nature, dont la construction nous démontre qu’ils n’ont pu se faire que par une succession lente de mouvements réglés et constants.

« Pour rendre cet aperçu plus sensible donnons un exemple : cherchons combien il a fallu de temps pour la construction d’une colline d’argile de 1000 toises de hauteur[1]. Les sédiments successifs des eaux ont formé toutes les couches dont la colline est composée depuis la base jusqu’au sommet. Or, nous pouvons juger du dépôt successif et journalier des eaux par les feuillets des ardoises ; ils sont si minces qu’on peut en compter une douzaine dans une ligne d’épaisseur. Supposons donc que chaque marée dépose un sédiment de  ; de ligne d’épaisseur, c’est-à-dire de de ligne chaque jour, le dépôt augmentera d’une ligne en six jours, de six lignes en trente-six jours et par conséquent d’environ cinq pouces en un an ; ce qui donne plus de 14000 ans pour le temps nécessaire à la composition d’une colline de glaise de

  1. Il est probable, d’après la phrase suivante, que par le mot argile Buffon entend ici un schiste argileux plutôt que l’argile proprement dite.