Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
L’ENFANT

male, délivrée de ses liens par la frénésie des bergers, aborda familièrement les salles basses, les logis des gardes, les cuisines, creva les portes, et guidée par l’épouvantable chant, par les clameurs allègrement rauques de la reine, monta, comme encouragée par le futur maître, les escaliers de lune et de roc. Des raidillons qui allaient aux toits descendirent, subitement réveillées, criardes, trente chambrières et fileuses qui sentaient l’échalote, le graillon et le foin. Deux femmes s’étant abordées firent un murmure, quatre un caquet, dix un marché, trente une mêlée de guerre. Au son de ces cris, se précipitaient les seigneurs, les paysans, les gardes, et leurs bras à travers les bêtes se boutaient vainement dans l’espoir d’entrer, car c’était là, tout près d’eux, dans la joie rouge et le sang rouge, que se bâtissait le prince gascon ! Mais par-dessus ce hourvari d’autres voix tout à coup montèrent, à l’écho brutal, dur, souverain : au seuil de cette chambre close, la campagne conviée réclama aussi son jeune maître ; par ses groins, ses gorges, ses becs, ses mufles, ses naseaux, elle se mit à hulluler et à brâmer à son tour, grouma, renâcla, piailla sa supplique, son chant d’étable et de haute plaine. Des vaches pansues, des mules, d’entêtés porcs roses qui gaffaient les chiens malfaisants, an couple d’ânes de Navarre, des moutons, une autruche évadée du parc, des coqs, un nuage de poules noires, truies glouttes, oies égaillées dans les ruades des chevaux, chats d’écuelle et de paille,