Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
353
LE ROI

vers le pays bourguignon, ou poitevin, ou dauphinois ou normand, c’était l’adieu à la solde, mais c’était la bienvenue au foyer, à la commère, aux petits, à l’étroit lopin où allait pousser le froment. Pour les autres, les plus anciens, pour les fidèles Gascons de la bataille de Coutras qui, depuis vingt ans, solde oubliée ou payée, avaient suivi par amour la gloire et les infortunes d’Henri, ce mot paix signifiait fin. « Fini, disaient-ils entre eux, plus de galops, plus de pistolades, plus d’assaillements, plus de combats, plus d’entrées dans les villes sous les étendards, plus de ces dîners sur les tertres, après la victoire, où notre Henriquet apportait sa croûte, l’huile, l’ail, un flacon du Lot et ses fariboles patoises. C’est en Parisien, c’est en roi qu’on a changé notre ami. » Ceux-là pleuraient.

Les officiers, taciturnes, s’occupaient à leurs escadrons. Accourus pour servir six mois et restés vingt ans sous les armes, après tant de fatigues le signal du repos sonnait enfin. Une rumeur montait en eux, le fifre attristé de la retraite, du relèguement au donjon solitaire depuis des ans, l’appel aux honneurs et aux récompenses qui était celui de la décrépitude, de la vieillesse et des regrets ; et ne sachant s’il fallait se féliciter ou se plaindre, ceux-là, mélancoliques, ne disaient rien.

— Zist, zest, il y a du nuage dans les braves cœurs de vos gens, dit Rosny au roi ; je viens de tournailler au bivac, on leur a conté que c’était fini,