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LE ROI

eu cent duels montrèrent au prince, une à une, les ressources de leurs épées. Les jambes nues, dressé sur ses deux orteils, un bouclier de veau dans la main gauche et la garde au genou droit, l’enfant apprit d’eux, d’abord, la hardiesse de l’attaque, son bondissement de détente, son filé rigide, et ce célèbre passez le pied, saut vertigineux en avant du talon d’arrière. Son père, parfois, venait l’exciter « Hasarde ! pousse ! ahute ! aou ! fort et roide ! courroux à la brèche ! » Ces cris soulevaient le prince la lame haute, l’écrasaient à l’italienne, ou le lançaient en sueur, coléreux comme une fourmi rouge, entre les éclairs de la rapière du maître. Déjà il « touchait ». Il ne put apprendre, trop jeune, à lire les passes d’armes ; mais dans ces assauts qui prêtaient alors à la taille et à l’estocade, il montra de bonne heure son instinct des jeux allongés, impromptus et secrets, des hautes et basses lignes, son goût des plans ; et si le professeur l’écornait : « Mutine-toi ! lui criait son père. Aou ! Hénric, le fer aujourd’hui est à bon marché ! Tire ! Mène-le battant tout au mur ! » L’enfant, à ces mots, s’amassait en boule ; c’était une étincelle, mise à terre, qui allait allumer quoi ?… Mais soudain, nerveux ; esquivant par voltes les coups d’allonge, il partait ! et le roi de Navarre, frappant ses paumes, cadençait ses jaillissements : « Aou ! aou ! pique ! estoque ! tue ! » Ou bien, plus rusé, l’élève cherchait un sillon au fer, pelotait, caressait la lame. Ses ténuités, déjà, son attaque droite, ses surprises étaient de l’es-