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L’ENFANT

crime-pointe, et par là il révélait bien son vrai nom, son sang, sa race endurante et fine, toute la fleur de sa petite patrie gasconne. Au bout d’un an, il faisait l’assaut, cognait gentiment le sol de sa botte, saluait les dames de l’épée, à droite, à gauche, leur faisait l’hommage du meilleur coup de pointe. Et lorsqu’il sut à peu près ce qu’était un cheval et une arme, sa mère fit venir au château les gouverneurs des provinces :


— Voici le moment venu, leur dit-elle, de donner à cet enfant autres compagnies que les Dames dont Sa Majesté le roi de Navarre et Monsieur mon père d’Albret le pourvurent. Regardez-le de près. (Elle mit son bras sur le cou du prince) Il a l’air déjà de ces vieux routiers sans cesse au guet, le cœur et l’œil en alerte, jamais las ni recrus, et toujours levés au premier panpan de tambourin. Aussi lui a-t-on offert, dans l’espoir que tous trois vivent en loyal et bon voisinage, une épée de Florence pour le combat et un jeune onagre pour l’y entraîner promptement. (Ses doigts scandaient la marche dans les cheveux de l’enfant) Nous voulons donc honorer ces primes armes d’une manière qui enseigne à tous les Gascons du royaume l’emploi que leur prince compte faire un jour de son cheval et de son épée, qui sont encore plus votre défense que la sienne propre, car s’il est beau d’en venir aux mains pour la gloire et la richesse publiques, il est grandement détestable de se ruer, sans motifs que vols et méfaits, comme ces pillards