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L’ENFANT

en avait de dorés, mais il y en avait aussi de noirs. Il regarda sa mère qui était grave, et reporta, frissonnant, ses yeux sur les trois métiers : alors il y vit des choses nouvelles.

À travers chaque trame, derrière les fils tendus, régnait un visage. Trois ombres, trois spectres féminins aux cheveux grisâtres, aux traits troubles, aux regards droits et froids, aux fronts impénétrables et aux lèvres closes occupaient les trois métiers vierges. Immobiles comme l’attente, ces femmes avaient une main levée sur le bâton de croisure, l’autre inerte, et regardaient, tragiques, par delà le prince et la reine, l’Invisible.

— Qu’est-ce ?… murmura l’enfant. Comme à l’âge de son berceau, il saisit le bras maternel. Mais la reine le poussa devant :


Voici que je suis seule, mon fils, et que vous venez d’atteindre quinze ans. Deux routes s’offrent à votre âge : à main droite est le bien, à main gauche est le mal ; vous savez déjà laquelle prendre, et irez avant. Il vous faut partir à la guerre, agir en prince. Le sang bout aux jeunes ; toutefois, pour mener des mains, sauter aux actions et aux entreprises, nécessaires sont les conseils, j’y ai pourvu. Entendez en bas, voyez ces chevaux qui piaffent et ces plumails dessus les casques, regardez tous ces guerroyeux : ils ont comme M. de Montluc notre ennemi, lequel passa par six mille canonnades et cinquante mille arquebusades, « robe blanche de loyauté ».