Page:D’Indy - César Franck, 1906.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
L’ARTISTE ET L’ŒUVRE MUSICAL

dénommer ainsi une sonate colorée par des timbres différents.

Celle-ci est la première en date de toutes les Symphonies pour orgue dont s’est enrichie la musique moderne, et, si l’on veut me permettre de donner une opinion personnelle, cette façon d’écrire la symphonie au moyen des timbres si nombreux et si divers qu’offre l’orgue d’un Cavaillé-Coll, me parait bien préférable au système qui consiste à lui adjoindre l’orchestre. Ces deux puissances se gênent mutuellement et l’effet de cette juxtaposition de deux forces similaires est toujours un obscurcissement, un amoindrissement de l’une au stérile profit de l’autre. Berlioz, génie de la chimie des timbres, signalait déjà la vacuité de cette combinaison lorsqu’il écrivait dans son Traité d’orchestration, en ce style imagé qui fait l’attrait de ses ouvrages littéraires : « L’orchestre est empereur, l’orgue est pape. » Il vaut mieux ne point renouveler en musique la querelle des Investitures…

Franck ne tomba pas dans ce travers auquel répugnait son esprit classique[1], aussi sa Grande pièce en fa dièze mineur est-elle vraiment une

  1. Aucun des maîtres anciens n’emploie l’amalgame orgue et orchestre à égalité de forces. Bach n’écrit guère l’orgue en solo avec l’orchestre, si ce n’est comme réalisation harmonique ; quant aux Concertos de Haendel, le quatuor à cordes et les hautbois n’y jouent qu’un rôle bien secondaire.