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L’ARTISTE ET L’ŒUVRE MUSICAL

dessus de la terre et laissant tomber jusqu’aux humains d’admirables sentences de paix ou de condamnation, mais on ne le verra point s’incliner vers les humbles et les petits, on ne le trouvera point tout près de nous, vivant notre vie, souffrant lui-même nos souffrances et compatissant à nos maux avec la tendresse paternelle que nous montrent à chaque page les récits évangéliques. Plus tard encore, il passera avec Berlioz[1] à l’état de légendaire illusion, empreinte, il est vrai, d’une certaine poésie ; pour d’autres, il sera le « beau Nazaréen » tout court ou même quelque chose de pire : un simple prétexte à cavatines et à ariosos… Dès lors, plus rien ne subsiste de la figure divine, aussi son expression musicale s’en ressent-elle terriblement et devient-elle d’une conventionnelle et écœurante fadeur.

César Franck ne cherche point, lui, — qu’on me pardonne la trivialité du terme — midi à quatorze heures ; tel il a appris et aimé Jésus-Christ, tel il nous le donne, de tout son cœur de simple chrétien, dans les Béatitudes. Il a, nous affirme-t-on, lu à ce propos la Vie de Jésus d’Ernest Renan, mais c’est, bien assurément, pour dire tout le contraire, car l’inconsistante personnalité de l’homme qui veut se faire Dieu, décrite

  1. L’Enfance du Christ.