Page:Dablon - Le Verger, 1943.djvu/29

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le suivait avec une caissette d’étoupe et de copeaux ; Jacques trempait des tampons dans le pétrole et les glissait sous les branches. Une goélette à moteur, ses bajoues grises noyées dans la fraîcheur du courant, taquetait vers le port, un de ces bateaux poussifs qui s’éternisent à l’horizon et que le gardien du phare appelait des bavasseuses.

La marée de la nuit submergeait les contours inférieurs de la vallée ; des maisons au ras de l’eau scintillaient çà et là, que l’on confondait avec les bouées. Bientôt, de la citadelle à la rivière Saint-Charles, Québec se barda de lumière. Le donjon illuminé de la papeterie dressait au cœur de la ville basse un diadème de feu, comme si du haut de leurs créneaux des seigneurs eussent voulu se joindre au peuple en liesse.

Les petits sortent des allumettes. Mais les garçons n’écoutent rien et entassent bourrées sur bourrées.

Maizerets ouvre la fête. Une fusée rouge vif entaille le bleu et l’or du firmament, se brise contre une étoile et sème à plein ciel des embruns de fleurs rutilantes ; les pétales pourprés retombent par milliers et attisent sur le fleuve des brasillements de vitrail. Une pause brève, puis la pétarade éclate. Les nervures colorées jaillissent de partout, se cherchent, se nouent, portent des lustres sous leur voûte et disloquent leur clef qui s’effondre en poussière étincelante. Des girandoles criblent l’horizon d’une poudre rose et dorée ; on dirait l’explosion de gigantesques rosaces dans les renfoncements des Laurentides.

Les gens ne circulent plus sur le trottoir ; ils se laissent lentement gagner par le jeu. On entend des