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proie de quelque autre bandit. Elle pensa donc qu’après avoir perdu son honneur et sa virginité, le mieux pour elle était de se taire, et de contracter mariage avec ce chrétien, puisqu’elle le pouvait licitement. Du reste, en Corée, comme dans tous les pays non chrétiens, où l’avilissement et le mépris de la femme sont, pour ainsi dire, de droit naturel, les femmes elles-mêmes partagent l’opinion générale. Elles ne se croient ni droits, ni responsabilité, et dans des cas analogues à celui-ci, elles se regardent réellement comme enchaînées, et ne conçoivent pas la possibilité de se délivrer. Les exemples en sont nombreux. Inutile d’ajouter que ces usages et ces idées n’ont plus guère cours parmi les fidèles, et l’on a vu un certain nombre de veuves chrétiennes, enlevées par des païens, braver même la mort, et réussir, par leur résistance acharnée, à se soustraire aux ravisseurs.

François Kim Kieng-sie était né d’une famille honnête et riche, au village de Ie-sa-ol, district de Niei-san. Dès sa jeunesse, il s’appliqua à l’étude des lettres, et son père, André Kim Koangouk-i, fervent chrétien, lui donna lui-même une instruction très-solide. André ayant été pris à la persécution de 1801, profita de toutes les occasions pour recommander à sa famille de suivre ses traces, de s’exercer à la charité envers Dieu et le prochain, de vivre en bonne harmonie entre eux et avec les voisins, et de servir Dieu et sauver leur âme par la pratique de la mortification ; après quoi il fut décapité, comme nous l’avons vu plus haut. La ferveur de François ne fit qu’augmenter dès lors de jour en jour. Animé d’une sainte émulation pour suivre l’exemple de son père, et méprisant toutes les choses temporelles, il abandonna ses biens et se retira dans les montagnes Il-ouel-san, au village de Koteun-tsiang-i, district de Ieng-iang, province de Kieng-siang. Arrivé là, il vécut de racines et de glands, et depuis ce temps garda une perpétuelle continence. Chaque année, pendant le carême, il observait un jeûne rigoureux, et se livrait à toutes les pratiques de mortification. Il fit tant d’efforts pour dompter son caractère naturellement emporté, qu’il devint bientôt un modèle de douceur et de patience.

À la troisième lune de l’année 1815, le traître Tsien Tsi-sou-i, accompagné des satellites d’An-tong, vint inopinément l’arrêter. François se trouvait alors sur la montagne à travailler ; les satellites lui ayant crié de descendre, il dit à son fils Moun-ak-i : « Pour moi, je dois me rendre, c’est l’ordre de Dieu ; mais toi, ne viens pas avec moi. Veille sur toute la famille, et surtout prends bien soin de ta grand’mère. » Puis il descendit tout joyeux, traita