Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/272

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semence de nouveaux fidèles. Eh ! n’est-ce pas la bonté divine qui, touchée des gémissements de tant d’orphelins, des prières de nos vénérables martyrs inclinés devant le trône de la gloire, des vœux enfin des fervents associés de la Propagation de la Foi, dont on n’apprécie bien les secours que sur ces plages lointaines, n’est-ce pas elle qui leur a suscité au milieu des dangers de tout genre, deux missionnaires tout prêts à voler à leur secours. Bientôt nous franchirons, nous aussi, déguisés en bûcherons, le dos chargé de ramée, cette redoutable barrière de la première douane coréenne ; nous irons consoler ce peuple désolé, essuyer ses larmes, panser ses plaies encore saignantes, et réparer, autant qu’il nous sera donné, les maux sans nombre de la persécution. Nous le suivrons dans l’épaisseur des bois, sur le sommet des montagnes ; nous pénétrerons avec lui dans les cavernes pour y offrir la victime sainte, nous partagerons son pain de tribulation, nous serons les pères des orphelins, nous épancherons dans le sein des indigents les offrandes de la charité de nos frères d’Europe, et surtout les bénédictions spirituelles dont la miséricorde divine nous a rendus dépositaires ; et si l’effusion de notre sang est nécessaire pour son salut, Dieu nous donnera aussi le courage d’aller courber nos têtes sous la hache du bourreau.

« Je ne pense pas que le monde puisse, avec ses richesses et ses plaisirs, offrir à ses partisans une position qui ait pour eux le charme qu’a pour nous celle à laquelle nous aspirons. Voilà deux pauvres missionnaires, éloignés de quatre à cinq mille lieues de leur patrie, de leurs parents, de leurs amis, sans secours humain, sans protecteurs, presque sans asile au milieu d’un peuple étranger de mœurs et de langage, proscrits par les lois, traqués comme des bêtes malfaisantes, ne rencontrant semées sous leurs pas que des peines, n’ayant devant eux que la perspective d’une mort cruelle ; assurément il semble qu’il ne devrait pas y avoir au monde une situation plus accablante. Eh bien, non ; le Fils de Dieu qui a bien voulu devenir fils de l’homme pour se faire le compagnon de notre exil, nous comble de joie au milieu de nos tribulations, et nous rend au centuple les consolations dont nous nous sommes privés en quittant, pour son amour et celui de nos frères abandonnés, nos familles et nos amis. Quoique nos jours s’écoulent dans la fatigue comme ceux du mercenaire, le salaire qui nous attend à leur déclin en fait des jours de délices. Oh ! qu’ils sont fous les sages du siècle de ne pas chercher la sagesse dans la folie de la croix !