Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/149

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surtout, le plus excellent mari qui se pût rencontrer, et dans son désir de faire le meilleur choix possible, il avait refusé déjà plusieurs partis très-convenables. Un jour enfin, on lui fait une demande de la part d’une riche et grande famille. Après avoir hésité quelque temps s’il donnerait sa fille ou sa nièce, il se détermine pour sa fille, et sans avoir jamais vu son futur gendre, engage sa parole et convient de l’époque des noces. Mais trois jours avant la cérémonie, il apprend par des sorciers que le jeune homme est un niais, très-laid et très-ignorant. Que faire ? Il n’y avait plus moyen de reculer. Il avait donné son consentement, et en pareil cas la loi est inflexible. Dans son désespoir, il imagina un moyen d’amortir le coup qu’il ne pouvait parer entièrement. Le jour du mariage, dès le matin, il se rendit à l’appartement des femmes et donna ses ordres de la manière la plus absolue, pour que sa nièce, et non sa fille, fût coiffée, habillée, et conduite sur l’estrade saluer le futur mari. Sa fille, stupéfaite, n’avait qu’à obéir. Les deux cousines, étant à peu près de la même taille, la substitution fut facile, et la cérémonie eut lieu dans les formes voulues. Le nouveau marié, selon l’usage, passa l’après-midi dans l’appartement des hommes, et quelle ne fut pas la stupéfaction du vieux noble lorsqu’il vit que, loin d’être le badaud que lui avaient dépeint les sorciers, il était beau, bien fait, très-spirituel, très-instruit et très-aimable ! Désolé d’avoir perdu un pareil gendre, il songea à réparer le mal, et ordonna secrètement que, le soir, on introduisit dans la chambre nuptiale non point sa nièce, mais sa propre fille. Il savait bien que le jeune homme ne se douterait de rien, parce que pendant les salutations officielles sur l’estrade, les nouvelles mariées sont tellement affublées et surchargées d’ornements qu’il est impossible de distinguer leur visage. Tout se fit comme il le désirait. Pendant les deux ou trois jours que l’on passa en famille, le vieux noble, heureux du succès de ses stratagèmes, se félicitait d’avoir un gendre aussi parfait. Le nouveau marié de son côté, se montrait de plus en plus charmant, et gagna tellement le cœur de son beau-père, qu’à la fin, dans un épanchement d’affection, celui-ci lui raconta tout ce qui était arrivé, les bruits qui avaient couru sur son compte, et les substitutions successives de la nièce à la fille, et de la fille à la nièce. Le jeune homme fut tout d’abord interdit, puis reprenant son sang-froid : « C’est très-bien, dit-il, et très-adroit de votre part. Mais il est clair que les deux jeunes personnes m’appartiennent, et je les réclame toutes les deux, votre nièce qui seule est ma légitime épouse, puisqu’elle m’a