Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habitants, puis passer dans un autre, et ainsi de suite, pendant des mois entiers, sans que le gouvernement ose intervenir pour protéger le peuple. Les petits marchands ambulants, les comédiens, les astrologues prennent les mêmes libertés ; c’est l’usage, et nul ne réclame ni ne songe à se débarrasser par force de ces hôtes incommodes. Il y a de plus les mendiants proprement dits. Ce sont des infirmes, des estropiés, des vieillards sans ressources, auxquels chacun donne un peu de riz ou quelques sapèques. À Séoul, se trouve une corporation de mendiantes qui se partagent les différents quartiers de la capitale et quêtent chaque jour de porte en porte. Elles sont généralement détestées à cause de leur méchanceté et de leur insolence ; mais la crainte de s’attirer de mauvaises affaires de la part de toute la bande, force la main aux habitants paisibles, et elles recueillent d’abondantes aumônes. Parmi les mendiants attitrés il faut aussi compter tous les bonzes. Les uns mendient par nécessité, les autres par vertu ; on donne à ces derniers le nom de San-lim. Quoique la religion de Fô soit maintenant tombée dans un discrédit universel, presque toujours, par pitié ou par un reste de superstition, on leur donne quelques poignées de riz.

Les visites, soirées, invitations, et autres relations ordinaires de société sont très-multipliées, et la plus grande liberté y règne. Les femmes ne se montrent jamais dans ces réunions ; elles passent leur vie dans les appartements intérieurs, et ne se visitent qu’entre elles. Mais les hommes à leur aise, les nobles surtout, naturellement causeurs et paresseux, vont continuellement de salon en salon tuer le temps, raconter ou inventer des nouvelles. Ces salons ou appartements extérieurs sont placés sur le devant de la maison, et toujours ouverts à tout venant. Le maître du logis y fait sa résidence habituelle, et met son orgueil à recevoir et à bien traiter le plus d’amis possible. Naturellement les conversations ne roulent guère sur la politique ; personne ne s’en occupe, et d’ailleurs un tel sujet serait dangereux. Mais on se raconte les dernières histoires de la cour et de la ville, on colporte les médisances du jour, on répète les bons mots qui ont été dits par tel ou tel grand personnage, on récite des fables ou des apologues, on parle science ou littérature. L’été surtout, ces réunions entre lettrés deviennent de petites académies, où l’on s’assemble trois ou quatre fois la semaine pour discuter des questions de critique littéraire, approfondir le sens des ouvrages célèbres, comparer diverses compositions poétiques. Les gens du peuple, de leur côté, se rencontrent dans les rues, le long des