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et une chrétienne ne peut pas être concubine. » Et sur-le-champ il la répudia.

Une étroite amitié l’unissait à Laurent Pak ; ils se voyaient mutuellement et s’excitaient sans cesse à la pratique des vertus et au désir du martyre. Jacques avait ainsi passé plusieurs années, lorsqu’en 1798. il fut saisi par les satellites de Tek-san, et conduit à la prison, où il resta plus d’un mois sans qu’il fût question de l’interroger. Pensant alors que c’était la faute des satellites, il les pressa vivement de le faire comparaître devant le mandarin ou de le mettre en liberté. Cité enfin au tribunal, à cette question du mandarin : « Est-il vrai que tu pratiques la religion du Maître du ciel ? — Oui, répondit-il, je la pratique en effet, afin de servir Dieu et de sauver mon âme. — Dénonce tes complices. — Il y a, reprit-il, trois autres personnes animées comme moi du désir de servir Dieu et de donner leur vie pour lui. » Jacques parla ainsi, conformément à la promesse mutuelle que lui-même, Laurent Pak, François Pang et Pierre Tsieng se seraient faite de se dénoncer l’un l’autre, afin de souffrir ensemble le martyre. Toutefois on ne voit pas que Jacques ait fait de dénonciation bien positive. « Explique-toi plus clairement. — Quand je devrais mourir dix mille fois, je ne puis en dire davantage. » Le juge alors le soumit aux divers supplices de l’écartement des os, de la puncture des bâtons et de la flagellation, mais inutilement. Jacques fut ensuite transféré au tribunal criminel de Hong-tsiou, où il développa à plusieurs reprises les vérités de la religion, et subit deux ou trois fois d’affreuses tortures. On le renvoya à Tek-san, où il fut encore cruellement battu, et eut les jambes entièrement brisées.

Enfin sur un ordre spécial du gouverneur, on l’expédia à Tsieng-tsiou, chef-lieu militaire de la province. Le jour de son départ, sa femme, ses enfants et quelques amis, le suivaient en pleurant. Il les fit approcher et leur dit : « Lorsqu’il s’agit du service de Dieu, et du salut de l’âme, il ne faut pas écouter l’affection naturelle ; supportez bien toutes les peines et les souffrances, et nous nous retrouverons dans la joie, auprès de Dieu et de la bonne Vierge Marie. Votre présence ne peut que m’ébranler et m’être très-nuisible. Ainsi donc, soyez raisonnables, et ne vous montrez plus devant mes yeux. » Puis il les congédia. Son ancienne concubine aussi lui envoya un exprès, demandant à le voir une dernière fois, mais il refusa en disant : « Pourquoi vouloir me faire manquer la grande affaire ? » Arrivé à Tsieng-tsiou, il subit un interrogatoire. Le juge voulait le faire apostasier en