Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/336

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la prison du tribunal des crimes, tout regorgeait de prisonniers. Des arrestations si nombreuses firent beaucoup de bruit dans la ville. Chacun était épouvanté ; les chrétiens surtout étaient dans la consternation, et leur frayeur fut portée à son comble, quand, le 24, on vit les satellites, en violation de tous les usages du pays, ne plus épargner même les femmes nobles, forcer la maison de Colombe Kang, et la saisir avec ses esclaves. Ce premier pas une fois fait, le même jour et les jours suivants, beaucoup d’autres femmes nobles furent aussi jetées en prison.

La plupart de ces personnages importants ont été souvent mentionnés dans cette histoire ; nous ajoutons ici quelques mots pour faire connaître les autres.

Ambroise Kouen T’siel-sin-i était le frère aîné du célèbre François-Xaxier et le chef de cette famille des Kouen, que Ni Piek-i choisit pour établir solidement la religion dans ce pays. Nous avons déjà dit quelle réputation de science et de vertu il s’était acquise. Quand il entendit parler de la religion, il eut d’abord peine à y croire, et ce ne fut qu’après avoir approfondi avec précaution et prudence les divers points de doctrine, qu’il se résolut à l’embrasser ; mais une fois son parti pris, il ne se démentit jamais. Près de ses parents il s’exerçait aux devoirs de la piété filiale ; dans ses rapports de société, il savait par sa libéralité et son dévouement gagner la confiance de tous, et tous avaient pour lui le plus grand respect. L’autorité de son nom attira beaucoup de païens à l’Évangile. « Puisque cet homme-là regarde la religion comme vraie, se disait-on, comment pourrions-nous ne pas y croire ? » Cependant il ne faisait pas de propagande directe, et ne se mêla jamais aux affaires de la chrétienté. Il restait toujours chez lui occupé de ses études et de ses pratiques religieuses, ne s’inquiétant en aucune manière des injures dont on l’accablait dans des circulaires et écrits publics, ni des calomnies dont on chercha souvent à le noircir auprès du roi.

Entendant parler des actes d’apostasie que les supplices arrachaient aux chrétiens, il disait en soupirant : « Pauvres gens ! quel dommage ! ils rendent par là inutiles les travaux de la moitié de leur vie, et perdent la couronne due à leurs souffrances. » Pris lui-même et conduit devant les juges, il fit une courageuse apologie de la religion et de ses pratiques. Dans les supplices, son visage ne changea point et il répondit avec calme et tranquillité, au point qu’un de ses ennemis les plus acharnés, que sa fonction obligeait d’être présent quand on le mit à la question, disait en sortant à ceux qu’il rencontrait : « Pendant les interrogatoires,