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les autres coupables sont tout hors d’eux-mêmes, mais pour Kouen T’siel-sin-i, il ressemble à un homme tranquillement assis à un festin. »

Un des principaux compagnons de captivité d’Ambroise Kouen était Augustin Tieng Iak-tsiong, descendant de l’illustre famille des Tieng de Ma-tsai, dont nous avons souvent parlé, et l’un des frères aînés de Jean Tieng Iak-iong. D’un caractère droit, d’un esprit sagace et profond, il s’appliqua de bonne heure aux études et obtint dos succès dans les lettres. Il se plaisait dans la compagnie des personnes graves et instruites, et devint l’ami du fameux Ni Ka-hoan-i, et des plus célèbres lettrés alors existants. Regardant la littérature des examens comme trop légère, il l’abandonna entièrement et, par cela même, renonça d’avance aux dignités dont l’accès lui était d’ailleurs si facile, afin de se livrer sans obstacle aux recherches de philosophie et de morale. Pendant quelque temps il s’appliqua à la doctrine de Lao-tse, pour obtenir l’immortalité qu’elle promet à ses adeptes ; mais il reconnut bientôt le vide et le ridicule de cette théorie. Il étudia aussi la médecine et s’y acquit beaucoup de réputation.

Dès que la religion se répandit en Corée, il s’en fit instruire, mais ne se rendit pas de suite. Il répétait souvent que Ni Piek-i sortait de la vraie voie, et ce ne fut que quatre ou cinq ans plus tard qu’il céda aux sollicitations de la grâce ; et reconnaissant dans ses hésitations quelque chose de semblable à celles de saint Augustin, il voulut prendre ce saint pour patron au baptême. Devenu chrétien, il ne regarda plus en arrière et pratiqua sa religion avec une ferveur et une persévérance au-dessus de tout éloge. En 1791, l’exemple funeste donné par ses frères et tant d’autres de ses amis qui apostasièrent misérablement, ne l’ébranla pas. Il ne s’émut pas davantage des persécutions de sa famille. Son père non-seulement avait refusé de pratiquer, mais encore il décriait la religion et la prohibait sévèrement à ses enfants. Augustin, tout en continuant de se montrer fils pieux et dévoué, demeura fidèle à tous ses exercices religieux, et supporta avec une patience inaltérable tous les mauvais traitements.

Il avait été marié, mais sa femme mourut très-jeune, lui laissant un fils nommé Charles, qu’il instruisait avec soin de tous les devoirs de chrétien. Cédant aux instances de sa famille, il se remaria peu de temps après, avec le dessein de vivre dans la continence avec sa femme. Les chrétiens l’en dissuadèrent, et il eut plusieurs enfants dont nous parlerons dans la suite.

Alexandre Hoang, qui avait intimement connu Augustin, nous