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vit sur ses habits mille petites croix resplendissantes de clarté, et lui demanda ce que c’était. Augustin, sans répondre directement, détourna la conversation d’une manière adroite, mais les chrétiens y virent un présage des souffrances qu’il allait bientôt endurer, et leurs prévisions ne furent pas trompées.

Le 11 de la première lune, revenant à cheval de Mat-sai à la capitale, Augustin rencontra sur la route un mandarin du tribunal Keum-pou. Il l’avait déjà dépassé quand, soupçonnant que ce mandarin allait pour le prendre, il lui envoya son esclave demander qui l’on voulait saisir, ajoutant que si c’était lui-même, il était inutile d’aller plus loin. Le mandarin allait en effet le chercher ; Augustin fut donc pris en ce même lieu, et conduit droit à la prison. Dans les interrogatoires, il fit noblement sa profession de foi, développa les vérités de la religion devant ses juges, et déclara nettement que jamais il ne consentirait à renier son Dieu pour se sauver la vie.

Au sujet de la caisse d’objets de religion, prise le 19 de la première lune, il déclara qu’elle lui appartenait, mais interrogé ensuite sur les lettres qui y étaient renfermées, il garda le silence. Le juge n’en pouvant rien tirer, s’avisa d’envoyer à la maison d’Augustin et de faire dire à sa famille : « Si votre père voulait seulement indiquer les noms et la demeure du prêtre, il n’y aurait plus de raison pour le faire mourir ; mais il préfère subir de violents supplices plutôt que d’ouvrir la bouche. Vous, sa famille, ses enfants, songez-y bien, et pour sauver la vie de votre chef, avouez tout franchement. » La famille répondit qu’elle ne savait pas de quoi il était question.

Augustin était accusé non-seulement, comme les autres chrétiens, d’avoir violé la loi, mais d’avoir commis le double crime de lèse-majesté et de rébellion. En faisant l’apologie de la religion, il avait dit qu’on ne devait pas la prohiber. C’était accuser d’injustice le roi lui-même, puisqu’on venait de la proscrire en son nom ; c’était par conséquent crime de lèse-majesté. De plus, dans son livre des : Principaux articles de la religion chrétienne, il avait mentionné le monde, la chair et le démon comme les trois grands ennemis contre lesquels les fidèles doivent lutter sans cesse. Or cette expression : le monde, ne pouvant signifier que le gouvernement du roi, la rébellion était évidente. Le tribunal admit et consacra cette ridicule interprétation. Il ne faut pas trop s’en étonner, car en Corée, comme partout ailleurs, toute parole ou objection contre la religion trouvera d’autant plus de croyants, qu’elle sera plus inepte, plus niaise et plus stupide. Nous avons entre