Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant la nuit, il a lu de ses yeux son affreuse lettre, qui, par son atrocité, n’a rien d’égal sous le ciel dans les temps anciens ou modernes. La plume se refuse à en écrire les horreurs, car jamais rien de semblable n’a été vu ni entendu. Il a comploté impudemment avec lui, et s’est engagé à envoyer cette lettre aux étrangers, pour faire venir les grands vaisseaux, et mettre le royaume en péril. Mais ses noirs desseins ont été découverts. C’est un rebelle, un scélérat. Qu’il soit conduit dehors de la porte de l’Ouest ; qu’il soit coupé en six, et décapité. »

Le 24 de la dixième lune (29 novembre), Thomas, qui avait signé la lettre, fut décapité et coupé en six morceaux, selon la sentence. Pierre Kim Han-pin-i, l’accompagna au supplice, mais fut seulement décapité. Thomas avait alors quarante-cinq ans, et Pierre trente-huit ans. Le 5 de la onzième lune (10 décembre) vint le tour de leurs trois compagnons. Alexandre Hoang condamné comme auteur de la lettre, monstre dénaturé, coupable de lèse-majesté divine et humaine, fut décapité et coupé en six. Les deux autres eurent simplement la tête tranchée, comme les criminels ordinaires. Alexandre n’était âgé que de vingt-sept ans ; Ok Tsien-hei avait environ trente-cinq ans, et Hien Kiei-heum-i trente-neuf. En même temps la maison et les biens d’Alexandre furent confisqués, sa mère exilée à l’île Ke-tsiei, sa femme à Tsiei-tsiou (Quelpaert) et son fils Kieng-hen-i à l’île Tsiou-tsa-to, où il vivait encore, il y a quelques années.

Quelques jours plus tard on fit le procès à deux chrétiens de Pai-ron, qui, pour avoir caché dans leur maison Alexandre Hoang, avaient été saisis et emprisonnés avec lui. L’un fut condamné à l’exil, sans doute après apostasie ; l’autre, nommé Kim Koui-tong-i, montra plus de courage. Né dans le district du Nai-po, il avait, afin de pratiquer librement sa religion, quitté ses biens, sa famille, son pays, et s’était retiré à Pai-ron, où il gagnait sa vie en fabriquant des poteries. Après de longues tortures, le juge lui promit sa liberté s’il voulait apostasier ; mais il s’y refusa constamment, et déclara vouloir mourir avec les autres chrétiens. Il fut, dit-on, envoyé à la ville de Hong-tsiou, son propre district, où il eut la tête tranchée, le 30 de la douzième lune (2 février 1802).


Ainsi se termina cette affaire, malheureusement trop célèbre, et dont les suites ont été si fâcheuses. Que les projets enfantés par l’imagination exaltée d’Alexandre Hoang fussent chimériques, surtout à cette époque, c’est évident. Qu’ils fussent imprudents,