Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/429

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dangereux, nous le reconnaissons volontiers. Que les passions politiques, les irritations du Nam-in vaincu contre les No-ron vainqueurs aient été pour quelque chose dans cet appel à l’intervention étrangère, c’est probable. Mais qu’au fond, ses intentions fussent droites, qu’il eût principalement en vue la délivrance des chrétiens, le triomphe de l’Évangile sur le paganisme, de Dieu sur l’enfer, cela nous semble hors de doute.

Du reste, qu’on le juge comme on voudra, la lettre où il expose ses plans, est un fait personnel à lui et aux trois compagnons de sa retraite. Aucun des chrétiens d’alors ne l’a connue, ni n’a pu la connaître, puisque les dates prouvent qu’elle était à peine rédigée, quand ses auteurs furent saisis. Le gouvernement coréen prétendit voir dans ce document la preuve manifeste d’une conspiration générale des chrétiens. Il fit publier partout qu’ils avaient déjà ramassé l’argent nécessaire, et enrôlé un grand nombre de soldats. Mais les faits démentent ces accusations. Les faibles sommes recueillies par les chrétiens n’étaient nullement destinées à seconder l’invasion étrangère, puisqu’elles suffisaient à peine pour faire face aux dépenses du prêtre et de ses employés, puisque, dans sa lettre même, Alexandre constate, à plusieurs reprises, la pauvreté et le dénuement de ses coreligionnaires. L’inculpation d’avoir levé des troupes est encore plus ridicule, puisque Alexandre, caché dans son souterrain, n’avait pu avoir ni le temps, ni les moyens déformer même une bande de dix personnes. Or, c’est dans sa retraite, au temps même où il rédigea sa lettre, qu’il songea à implorer l’appui des Européens, et la preuve en est que, jamais auparavant, aucun chrétien n’avait entendu parler d’une intervention à main armée. Ils y pensaient si peu, qu’à l’époque du procès, et jusque dans ces derniers temps, ils étaient unanimes à ne voir dansées imputations qu’une calomnie odieuse, inventée par les juges. Les missionnaires européens eux-mêmes n’ont pu savoir ce qu’il en était, qu’après avoir obtenu, à grand’peine, une copie authentique de la lettre.

Quoi qu’il en soit, l’effet produit fut déplorable. Aux deux causes de persécution jusque-là existantes, et que nous avons expliquées plus haut, savoir : la haine instinctive des païens contre le christianisme et les rancunes acharnées des partis politiques, vint dès lors s’enjoindre une troisième, aussi puissante que les autres : le sentiment de l’indépendance nationale. On a toujours affecté depuis de regarder les chrétiens comme les ennemis naturels du pays et de la dynastie. Cette opinion, habilement entretenue par les ennemis de la religion, a été le prétexte, sinon la cause, de