Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/483

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sommes accablés de douleur, en pensant que l’objet de notre espérance est si éloigné ; nous demandons avec la plus grande instance par la miséricorde de Jésus-Christ, que Votre Sainteté nous envoie le plus promptement possible un maître spirituel pour délivrer nos âmes.

« 7o Il n’y avait pas vingt ans que nous étions convertis à la foi ; et il n’y avait pas sept ans que le missionnaire était arrivé, lorsque s’éleva la grande persécution. Dans celles qui précédèrent, nous avions eu peu de martyrs. Mais celle qui commença en 1801 fit beaucoup de bruit, et la sainte religion parut avec plus d’éclat. Il y eut alors plus de cent martyrs[1], près de quatre cents exilés. Le bienfait spirituel des Sacrements et l’augmentation de la grâce divine leur avaient donné la force. Quant aux prisonniers peu instruits, et qui avaient peu récité les prières, comme c’étaient des gens grossiers du peuple, on jugea que peu importait qu’ils fussent ou ne fussent pas chrétiens, et on les mit en liberté. Ils sortirent comme les poissons les uns après les autres ; on n’en sait pas le nombre. On ignore aussi le nombre de ceux qui n’ayant pas eu de relations personnelles avec le missionnaire, et n’ayant pas été dénoncés, prirent la fuite, se cachèrent, et sont encore errants, sans maison, sans famille. Ayez pitié de tant d’âmes qui, privées de tout moyen de salut n’ont que la mort à attendre. Si en Europe on n’a pas compassion de nous, si on ne nous envoie pas du secours, et si nous n’en pouvons attendre de Péking, nous tombons dans le désespoir, et tout sera fini. Si le secours tarde un jour, nous souffrons un jour ; s’il tarde deux jours, nous souffrons deux jours ; si nous ne voyons arriver un vaisseau d’Europe, il en sera du précepte de Jésus-Christ, d’enseigner et de baptiser toutes les nations, il en sera des paroles du saint Évangile sur l’amour du prochain et le zèle du salut des âmes, il en sera de tout cela comme d’un vieux chapeau et d’une guenille inutile. Nous perdrons toute espérance, ainsi que l’homme qui, tombé dans l’eau, fait d’abord des efforts pour ne passe noyer, dans la confiance qu’on viendra à son secours, et enfin se voit tromper dans son attente. Nous supplions Votre Sainteté de nous pardonner ces cris inconvenants, ces paroles désordonnées, cet égarement que nous occasionne la vue du péril. Comme ceux qui

  1. Nous avons vu plus haut que le nombre réel fut beaucoup plus considérable, et s’éleva à deux cents au moins. Dans l’état de dispersion et d’isolement auquel étaient réduits les chrétiens, on s’explique facilement que les auteurs de cette lettre n’aient pas pu connaître alors le chiffre exact.