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trop étroites, soit plutôt que l’on voulût empêcher les prisonniers de se concerter entre eux et de se soutenir mutuellement, on les dispersa en différents endroits de la ville, même dans des maisons particulières. Presque tous étaient enchaînés et avaient la cangue sur les épaules. D’autres étaient attachés ensemble avec des cordes qui leur liaient le cou et les jambes.

Le gouverneur de Tsien-tsiou était, à cette époque, Ni Koang-moun-i, de la branche des Ni de Sa-pong. Il suivit un système différent de celui employé dans les persécutions précédentes. Peut-être était-il personnellement moins hostile à la religion ; peut-être aussi, voyant que tous les chrétiens arrêtés étaient des gens du peuple, et qu’il n’y avait parmi eux aucun personnage important, voulut-il essayer d’arriver au même but par d’autres moyens. Quoi qu’il en soit, il évita autant que possible les exécutions capitales, condamnant seulement à l’exil même ceux qui se montraient termes dans les supplices et refusaient les dénonciations demandées ; ou bien, quand les circonstances le forçaient à prononcer une sentence de mort, laissant les victimes végéter indéfiniment dans les prisons, et s’éteindre, sans bruit, de faim et de misère. Ce système réussit au delà des espérances du gouverneur, car les chrétiens de la province de Tsien-la étaient tombés dans un grand relâchement ; et nous devons avouer que cette persécution de 1827 fut la plus déplorable entre toutes, par la quantité de défections qu’elle occasionna. Jamais, proportion gardée, les apostats ne furent aussi nombreux. Quelques confesseurs cependant ont maintenu par leur constante fermeté l’honneur de la religion. Nous allons nommer ici les plus connus.

C’est d’abord Madeleine Ni, la sœur de Paul Ni de Tsiang-kiei. Née dans un petit village du Nai po, elle fut mariée à André Ni à l’âge de dix-sept ans, et Dieu bénissant cette union, elle en eut sept enfants qu’elle éleva et instruisit avec soin, et dont elle fit d’excellents chrétiens, moins encore par ses avis que par ses beaux exemples. Arrêtée au district de Kok-sieng, au commencement de cette persécution, elle fut traduite devant le juge criminel, dont tous les efforts tendirent à lui faire dénoncer le lieu de la retraite de son frère. Mais Madeleine, comprenant combien de telles déclarations étaient contraires aux devoirs des disciples de Jésus-Christ, supporta avec fermeté et patience les violentes tortures auxquelles elle fut soumise, et n’ouvrit pas la bouche. Les séductions et les promesses ne firent pas plus d’impression sur son cœur. Le juge ne pouvant rien gagner, la condamna à l’exil, et elle fut envoyée à la ville de Paik-t’sien, province de Hoang-hai.