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quand ils apprirent, quelques années plus tard, le massacre des missionnaires catholiques qui, en 1839, se livrèrent eux-mêmes pour sauver leur troupeau.


L’amnistie générale accordée aux exilés chrétiens semblait indiquer dans le gouvernement un certain esprit de tolérance, qui tranquillisait les fidèles. Mais chacune des pages de cette histoire nous a déjà montré combien précaire est la paix dont peuvent jouir, en Corée, les disciples de Jésus-Christ.

Au moment où l’on s’y attendait le moins, le 10 de la neuvième lune de cette année 1832, les satellites de la capitale se ruèrent au milieu de la nuit sur la maison d’André Hoang, chrétien fervent et dévoué, que ses divers voyages à Péking et d’autres généreux travaux en faveur de ses frères avaient depuis longtemps mis en évidence. Il ne paraît pas toutefois que cette affaire ait été suscitée par l’autorité supérieure ; ce fut ou le désir du pillage chez les satellites, ou quelque motif d’avidité rancuneuse de la part d’un mandarin subalterne, qui en fut l’unique cause. André, ne se trouvant pas alors chez lui, ne put être arrêté ; mais son oncle Pierre Hoang fut saisi avec les autres personnes de la maison, et quelques chrétiens qui habitaient près de là. On fit en tout dix prisonniers. Sur ce nombre, neuf cédant aux supplices, furent bientôt ou relâchés ou exilés. Pierre seul confessa généreusement sa foi.

Pierre Hoang Sa-ioun-i, descendu d’une famille noble de la province, vivait dans son village natal de Sain-kol, district de Sioun-ouen. C’était un homme d’un caractère grave et austère, respecté de tous ses parents et voisins, et devant lequel personne n’eût osé se permettre des paroles légères ou inconvenantes. À l’âge de quarante ans, il fut instruit de la religion, se convertit avec toute sa famille, et dès lors pratiqua la loi chrétienne avec une ferveur persévérante, malgré tous les obstacles. « Avant ma conversion, disait-il souvent, je ne voyais dans le désir du martyre manifesté par quelques chrétiens, qu’une illusion d’enthousiasme et le délire d’une imagination échauffée, mais je suis bien détrompé. » l s’appliqua à dompter son caractère trop sévère et trop impérieux, et à corriger ses autres défauts. Ayant pris la résolution de ne plus boire de vin, dont il avait trop usé autrefois, il n’en approcha jamais plus une goutte de ses lèvres. Il perdit successivement ses quatre enfants, puis sa femme ; mais au milieu de ces épreuves, il ne laissa paraître aucune douleur exagérée, ne laissa échapper de ses lèvres aucune plainte indigne