Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/82

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qu’il encourait une terrible responsabilité en laissant impuni un pareil imposteur, qu’eux-mêmes se garderaient bien de lui faire une telle requête s’ils avaient le moindre doute, puisqu’en cas d’erreur il y allait de leur vie, il céda après quelques jours d’hésitation, et signa le mandat d’arrêt. Munis de cette pièce, les prétoriens désignés par le sort se rendent le soir même dans l’endroit où l’inspecteur était descendu, tombent sur lui et le lient comme un criminel. Celui-ci décline son nom et sa dignité, exhibe sa patente munie du sceau royal, et fait un signal qui réunit de suite auprès de lui ses assesseurs et une troupe de ses valets. Les prétoriens simulent la surprise et la consternation ; les uns s’enfuient, les autres tombent aux pieds du magistrat et demandent la mort en expiation du crime horrible qu’ils viennent de commettre à leur insu. L’inspecteur furieux les laisse entre les mains de ses gens pour être assommés de coups, et, en grand cortège, se rend droit à la préfecture, dégrade et chasse le mandarin. Aucun prétorien, dit-on, ne mourut ; plusieurs demeurèrent estropiés, d’autres furent exilés, mais leur but était atteint, et le nouveau mandarin, effrayé par l’exemple de son prédécesseur, se garda bien d’imiter son zèle pour la justice.

Les satellites ne sont pas comme les prétoriens une classe à part, exerçant les mêmes fonctions comme par droit d’héritage, de génération en génération. Ce sont des valets que l’on recrute où l’on peut, en plus ou moins grand nombre, suivant les occasions et les besoins, et qui souvent ne remplissent cet office que pendant quelques années ou même quelques mois. Il n’est pas rare de rencontrer parmi eux des voleurs ou autres individus gravement compromis avec la justice, qui se font satellites pour s’assurer l’impunité. Dans chaque district il y a des satellites désignés sous différents noms, mais les plus adroits, les plus insolents et les plus redoutés sont ceux des tribunaux criminels de la préfecture de chaque province. N’ayant pas de rétribution fixe, ils ne vivent que de rapines, et se font donner de force, par les gens du peuple, tout ce qui leur plaît. Les uns font le métier de gendarmes, d’autres servent le mandarin à la maison, d’autres forment son cortège quand il sort. Ils ont une adresse et une sagacité incroyables pour reconnaître les voleurs et autres coupables, et il est rare qu’un accusé, sérieusement recherché, puisse échapper longtemps à leurs perquisitions. Mais ils ne s’occupent guère des petits voleurs. Les prendre et les punir ne servirait, d’après eux, qu’à en faire de plus mauvais sujets.