Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/110

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ces qu’il aurait à endurer, des sacrifices de toute espèce qu’il faudrait faire, il répondait simplement que le Seigneur, en l’appelant aux missions, lai donnerait le courage de tout braver pour son amour : qu’après tout il lui suffisait d’avoir un peu de pain et d’eau avec quelques haillons pour se couvrir, et qu’il trouverait toujours cela. Dans cette disposition, il alla se jeter aux pieds de Mgr Miollis pour lui demander la permission de partir au plus tôt pour le séminaire des Missions-Étrangères. Le saint prélat, craignant sans doute que ce ne fût qu’un aveugle mouvement de zèle, lui refusa cette permission. Le jeune diacre multiplia ses visites et ses sollicitations au vénérable évêque ; il pria, il conjura, il insista, il supplia avec tant de persévérance qu’il finit par obtenir l’autorisation si désirée. Voici comment il annonçait cette heureuse nouvelle à l’un de ses amis, le 11 décembre 1826 : « Mon très-cher ami, prenez part à ma joie, elle est aussi grande que celle d’un homme qui, dans un instant, se verrait délivré du poids des chaînes sous lesquelles il croyait devoir gémir longtemps encore. Je ne puis m’empêcher d’en bénir la divine Providence et d’inviter mes bons amis à la bénir avec moi de ce qu’elle a daigné exaucer mes vœux. Oui, cher ami, les jours de mon exil sont abrégés. Mon départ est fixé au 29 de ce mois. Je serai ordonné le samedi avant Noël, et le vendredi suivant j’embrasserai mes parents pour la dernière fois… »

« M. Chastan fut en effet ordonné prêtre ce jour-là et, le jour de saint Étienne, il alla dire sa seconde messe à Marcoux. Il y prêcha le dimanche suivant et, le 6 janvier, il fit ses adieux à sa famille. Quoique prévenus de son projet, ses parents ne s’attendaient pas à ce qu’il l’exécuterait sitôt, et ils conservaient même l’espoir de l’y faire renoncer. Mais quand il leur dit qu’il allait les quitter pour se rendre à Paris, ils furent frappés comme d’un coup de foudre. Après un moment de stupeur, des cris déchirants se firent entendre : père, mère, frères et sœurs, tous éclatèrent en sanglots comme s’il avait rendu le dernier soupir. Il se jeta aux pieds de sa mère pour lui demander sa bénédiction, mais celle-ci le repoussa de la main en lui disant : « Non, malheureux, je n’ai point de bénédiction à te donner. Ingrat que tu es, est-ce ainsi que tu nous payes de tous les sacrifices que nous avons faits pour toi ? Quoi ! tu veux nous abandonner, nous qui nous sommes imposé tant de privations dans l’espoir de trouver en toi la consolation de nos vieux jours ! Ah ! nous ne te laisserons pas partir ; tu n’auras pas le courage de nous plonger dans la désolation, de nous précipiter dans le tombeau ! »