Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chine, nous avons pendant cinq jours côtoyé les bords de la mer ; ce n’étaient guère que des landes stériles, entrecoupées de quelques monticules par ci par là. Puis nous nous sommes éloignés des bords de la mer, et la plaine est devenue plus large et plus fertile, surtout aux environs de Mouk-den. Vous vous attendez peut-être à une description de cette antique et fameuse cité, sur laquelle l’empereur Kien-long a fait un poëme épique, connu même en Europe ; mais je n’ai pas eu la curiosité d’en visiter les monuments, et ne suis pas même entré dans la ville. J’ai logé dans le faubourg, tout près de la porte de l’ouest, chez une famille chrétienne d’origine tartare. Je suis arrivé le 4 décembre, et je me propose de partir le 8, jour consacré à l’Immaculée Conception de notre bonne Mère… Nous ne sommes plus qu’à cinq journées de marche de la Corée, et dans quelques jours s’ouvrira la foire annuelle, à l’occasion du passage de l’ambassade coréenne qui va à Péking saluer l’empereur. »

Les prévisions de Mgr Imbert ne furent point trompées. Il arriva à Pien-men, sur la frontière, le jeudi 16 décembre, et le soir du même jour les Coréens y arrivèrent de leur côté. Cinq chrétiens se trouvaient dans la troupe ; trois d’entre eux devaient accompagner et introduire l’évêque, les deux autres suivre l’ambassade à Péking. Ils passèrent ensemble la journée du 17, dans une grande effusion de cœur, et la nuit suivante Mgr Imbert se mit en route. Il avait à courir les mêmes dangers qu’avaient déjà rencontrés MM. Maubant et Chastan ; grâce à la protection de Dieu, il y échappa par des moyens analogues. Il traversa le fleuve sur la glace, à la faveur des ténèbres, et se réfugia dans une misérable auberge où il contrefit le malade, pour échapper aux questions importunes. Treize jours après, il entrait dans la capitale. « Dieu soit béni ! écrivait-il alors, Dieu soit béni ! Qu’importent mes fatigues ? Je suis au milieu de mes enfants, et le bonheur que j’éprouve à les voir me fait oublier les peines qu’il m’a fallu endurer pour me réunir à eux. J’ai passé le premier jour de l’an 1838 sous le toit d’une famille chrétienne. Dès le soir de ce jour, M. Maubant, qui avait pressenti le moment de mon arrivée, est venu me rejoindre. Nous nous sommes embrassés comme des frères, et je ne sais si nous eussions solennisé le renouvellement de l’année par des vœux plus ardents et de plus doux sentiments de bonheur, en France et dans nos familles, qu’au centre de la Corée, chez un peuple étranger. » M. Chastan parcourait alors les provinces méridionales, et ce ne fut qu’au mois de mai qu’il put voir son évêque.