Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/157

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cœur ; » et elle lui fit naïvement et tout au long le récit de l’outrage que l’on avait fait, en sa personne et en celle de sa sœur, à la décence et aux mœurs publiques. Elle ajouta : « Une jeune fille, qu’elle soit noble ou enfant du peuple, n’a-t-elle pas droit au respect ? Qu’on nous tue suivant la loi du royaume, je ne m’en plaindrai point et le supporterai volontiers ; mais, qu’en dehors de la loi on nous fasse subir de telles indignités, c’est ce qui me pèse sur le cœur. — Qui donc, s’écria le ministre en colère, a osé ainsi faire violence à de jeunes personnes précieuses comme l’albâtre ? » Et de suite, il fit aller aux informations et en référa au conseil royal. On n’a pu savoir quelle avait été la réponse ; il est probable qu’on s’est contenté de baisser la tête et de rougir. Mais le ministre des crimes ne se tint pas pour satisfait ; il fit saisir le chef de la prison et différents satellites, leur adressa une verte semonce accompagnée pour plusieurs d’une assez rude bastonnade, et finit par en condamner deux à l’exil, où ils se rendirent dès le 16 de ce même mois. Depuis ce jour, les femmes chrétiennes n’eurent plus à subir cette honte, pire pour elles que les tortures.

« Ce même jour, 12 mai, la divine Providence voulut encore donner aux ennemis de la religion un bel exemple de vertu. Un chrétien, nommé Protais Tsieng Kouk-po, qui, très-pauvre et toujours malade, avait supporté avec une résignation admirable la perte successive de ses quatorze enfants, qui, ne craignant ni les fatigues, ni les dangers pour rendre service au prochain, était devenu par sa charité le modèle de ses frères, avait été arrêté pendant la troisième lune. Après quelques jours de prison, séduit par les paroles insidieuses du mandarin, il eut le malheur d’apostasier. Mais à peine rentré dans sa maison, il sentit un vif remords de son crime ; jour et nuit il ne cessait de pleurer. Enfin poussé par le repentir, et encouragé par les exhortations d’un pieux chrétien du voisinage, il prit la résolution d’aller se remettre lui-même entre les mains des juges. Il se rendit donc au tribunal des crimes, et dit qu’il voulait parler au ministre. Les valets lui demandèrent pourquoi. Il leur raconta son apostasie et le désir qu’il avait de se rétracter et de mourir ; on le traita de fou et on l’empêcha d’entrer. Le lendemain il revint encore : efforts inutiles. Le troisième jour, 12 mai, comme sa maladie et les suites de ses blessures ne lui permettaient pas de marcher, il se fit transporter près du tribunal et attendit la sortie du ministre. Alors s’inclinant devant lui, au milieu de la route, il lui dit son histoire, le pria de le faire mourir comme coupable d’apostasie,