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but : faire passer secrètement et sûrement aux missionnaires la lettre dont il était chargé, et s’évader le plus tôt possible. Il alla chez quelques chrétiens pour s’informer du lieu où étaient les prêtres, mais les satellites l’ayant suivi, personne ne voulut répondre, et force fut bien de lui permettre d’y aller seul. Il revint fidèlement jusqu’à trois fois, et après avoir ainsi endormi les soupçons des satellites, il sortit vers le soir, sous prétexte de chercher des informations, et s’enfuit dans les montagnes. Des chrétiens de sa connaissance se chargèrent de porter la lettre de l’évêque, et Pierre, ayant appris que les prêtres l’avaient reçue, se cacha en lieu sûr.

M. Chastan avait à peine quitté M. Maubant pour gagner la cachette dont nous avons parlé, que celui-ci reçut, à quarante lys de distance de Hong-tsiou, le premier billet de Mgr Imbert. Il était en latin et ne contenait que ces mots : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis ; si vous n’êtes pas encore partis en barque, venez avec l’envoyé Son-kie-tsong. » C’était le nom d’un capitaine de satellites, qui à la tête de plus de cent hommes, venait saisir les missionnaires. M. Maubant expédia de suite cette lettre à son confrère, l’invitant à revenir en toute diligence, et en même temps il fit parvenir au chef des satellites ci-dessus nommé, le billet suivant : « Lo sin-pou (le père spirituel Lo, nom chinois de M. Maubant, conservé en coréen) fait savoir à Son-kie-tsong qu’il ne peut se rendre de suite à Palkei-mori, où il est attendu, parce que Tchen sin-pou (nom coréen de M. Chastan) est à présent loin d’ici. Nous nous y rendrons ensemble dans une dizaine de jours. Je désire que ton cœur change, et qu’après ta mort, tu trouves l’heureux séjour. »

M. Chastan reçut dans sa nouvelle retraite, le 1er septembre, le billet de Mgr Imbert. Il se prépara aussitôt à aller rejoindre M. Maubant, et ne sachant s’il lui serait possible plus tard d’écrire encore, il fit, ce jour-là même, ses derniers adieux à sa famille dans la lettre suivante :


« Corée, 1er septembre 1839.

« Mes-très chers parents, que la paix du Seigneur soit avec vous ! J’espérais avoir cette année la consolation de recevoir de vos nouvelles ; aucune lettre de votre part ne m’est parvenue : que la volonté du bon Dieu soit faite ! C’est un petit sacrifice que j’ai à offrir à son bon plaisir.

« Les nouvelles que j’ai eu l’honneur de vous annoncer les années précédentes ont dû vous être bien agréables. Cette année