Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/207

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Un jour un satellite, se servant de sa pipe de cuivre comme d’un emporte-pièce, la lui enfonça dans la cuisse et enleva le morceau en criant : « Seras-tu encore chrétien ? — Certainement, répondit-il, ce n’est pas cela qui m’en empêchera. » Alors le satellite, prenant un charbon ardent, lui dit d’ouvrir la bouche : « Voilà, » dit Pierre, en présentant la bouche toute grande ouverte, et le satellite étonné recula. Les autres chrétiens lui disaient : « Tu crois peut-être avoir beaucoup souffert, mais cela n’est rien en comparaison des grands supplices. — Je le sais bien, reprit Pierre, c’est un grain de riz comparé à un boisseau. » Plus tard, lorsqu’après l’interrogatoire on l’emporta sans connaissance, et que les autres prisonniers s’empressaient pour le faire revenir à lui, sa première parole fut : « Ne vous donnez pas tant de peine, ce n’est pas cela qui me fera mourir. »

Il subit quatorze interrogatoires, et fut mis quatorze fois à la question ; mais son courage surnaturel, au lieu de toucher le cœur des juges, les enflammait de fureur ; et il reçut en outre plus de six cents coups de verges et quarante coups de la planche à voleurs. Son corps n’était qu’une plaie, ses os étaient rompus, ses chairs tombaient en lambeaux, et au milieu de tant de souffrances son âme conservait le calme, il avait l’air content et joyeux : son amour pour Dieu paraissait au dehors, et se manifestait sur son visage par un reflet mystérieux. Il semblait par moments se rire des supplices et défier la rage de ses bourreaux. Saisissant des lambeaux de chair pendants sur son corps, il les arrachait lui-même, comme si ce n’eût pas été son propre corps, et tous ses juges frémissaient. Quel spectacle pour les anges du Ciel, que ce petit ange de la terre, à peine sorti de l’enfance, et déjà buvant au calice amer de son Sauveur ! pouvant à peine s’exprimer en un langage correct, et déjà devenu un intrépide confesseur du nom de Jésus-Christ ! Les juges, craignant l’effet que sa mort pourrait produire sur l’esprit de la multitude, n’osèrent pas le faire exécuter publiquement. Il fut étranglé dans la prison, avec Philippe T’soi, le 15 de la neuvième lune. Il n’avait que treize ans. Pierre Niou est un des martyrs les plus illustres de la Corée, et, en lisant ses actes, la pensée se reporte naturellement sur le glorieux martyr saint Venant, avec lequel il a plusieurs traits de ressemblance. Mille fois gloire à Dieu qui fait ainsi éclater les merveilles de sa grâce dans tous les temps et dans tous les pays, et qui de pauvres enfants sait faire des héros !

C’est aussi vers cette époque que mourut Pierre Ko Tsip-tsiong-i. Il vivait à la capitale en bon chrétien, et fut arrêté par