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hasard, à la septième lune, dans la maison de la veuve Tsiou, avec les serviteurs des missionnaires que M. Maubant envoyait auprès de Mgr Imbert. Ayant été relâché, il rencontra, quelques jours plus tard, les deux prêtres menés captifs à la capitale. Il les suivit et fut repris. Mis à la question, il ne se laissa pas ébranler. On lui demanda, pour preuve de la sincérité de sa foi, de boire d’une eau dégoûtante et mêlée d’ordures, ce qu’il fit avec empressement. Il fut étranglé environ deux mois après son arrestation.


Dans la province de T’siong-t’sieng, la persécution, quoique moins violente, faisait beaucoup de mal, en provoquant de nombreuses apostasies. Après la publication de l’édit royal, quantité de chrétiens avaient été arrêtés et conduits devant les divers mandarins subalternes. Un certain nombre ayant été élargis, le gouverneur de la province, qui était alors T’sio Kei-ien-i, fit appeler les autres à sa barre, vers la neuvième lune, pour porter enfin un jugement définitif. De toutes les parties de la province on lui amena des prisonniers, et environ soixante chrétiens se trouvèrent ainsi réunis. Il est bien pénible d’avouer que la plupart avaient déjà essayé, au prix de leur conscience, de mettre leur vie en sûreté. Aussi le chagrin et le remords se montraient-ils sur presque tous les visages. Six ou huit seulement avaient tenu ferme, et semblaient déterminés à persévérer. De ce nombre se trouvait un chrétien noble, dont nous ne savons pas le nom, accompagné de sa femme et de sa sœur veuve. Le gouverneur, n’ayant pas réussi à le gagner par les menaces et les tortures, essaya de le prendre par les caresses. Malheureusement il réussit, et faisant de suite appeler séparément sa femme et sa sœur, il leur représenta que le chef de maison ayant apostasie, elles ne pouvaient plus faire difficulté de l’imiter. N’ajoutant pas une foi entière à ses paroles, elles demandèrent l’autorisation d’aller voir leur frère et mari, qui confessa son apostasie. Vaincues par son exemple, ces deux femmes, de retour près du gouverneur, eurent aussi la lâcheté de trahir leur Dieu. Les autres prisonniers courbèrent successivement la tête, et le triomphe de l’enfer eût été complet, sans un fidèle confesseur nommé Pierre Tien.

C’était un pauvre homme chétif, mal tourné, maladif, boiteux, et d’une intelligence plus que bornée, que chacun méprisait et tournait en ridicule. Natif de Iang-tei, au district de Mien-t’sien, il avait montré beaucoup de tiédeur dans sa jeunesse, mais plus tard, ayant émigré à Houang-mo-sil, parmi les chrétiens, il se mit de tout cœur à la pratique de ses devoirs et, secondé de la