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fut mise plusieurs fois à la question ; mais ni les coups, ni les blessures, ni les injures des satellites et des geôliers, ni le séjour prolongé dans un cachot infect, rien ne put lui arracher une plainte, parce qu’elle souffrait pour son Dieu. Généreuse jusqu’à la fin, elle signa deux fois sa sentence de mort, ainsi que son beau-père, à la septième et à la neuvième lune. Sa plus grande épreuve, le plus terrible supplice pour son cœur de mère, c’était la présence de son plus jeune fils, âgé de deux ans, qu’elle voyait mourir lentement de faim et de misère. Attaquée elle-même d’une violente dyssenterie, qui vint se joindre à ses autres souffrances, elle comprit que la délivrance approchait et se prépara à la mort. Dieu ne permit pas qu’elle vécût jusqu’au jour marqué pour son supplice, et elle rendit paisiblement son âme à son Créateur, le 6 de la dixième lune, à l’âge de vingt-sept ans. Son enfant mourut quelques heures après et alla rejoindre sa mère dans la gloire que Dieu réserve à ses martyrs.

Anastasie Kim, femme de Paul Ni Sieng-sam-i, née au district de Tek-san, appartenait à une honnête famille de la classe du peuple. Son heureux caractère la faisait aimer de tous, et sa maison était le modèle des maisons chrétiennes. Attentive à tous ses devoirs, elle veillait avec un soin particulier à l’instruction de ses enfants, et même à celle des femmes du village auxquelles ses exhortations furent très-utiles. Dénoncée en 1839, et ne sachant où chercher un asile, elle alla se réfugier chez Protais Hong, au lieu de son exil, et fut arrêtée avec toutes les autres personnes de la maison. Arrivée à Tsien-tsiou, elle dut subir plusieurs interrogatoires devant le juge criminel, et ne céda ni aux menaces ni aux tortures. Elle répondit avec calme et dignité à toutes les questions, et refusa constamment de renier son Dieu et de dénoncer son mari, à l’occasion duquel on lui fit subir des supplices plus longs et plus violents que de coutume. De là, elle fut conduite au tribunal du gouverneur qui la traita d’une manière plus cruelle encore, sans pouvoir vaincre sa constance. On finit par lui faire signer sa sentence de mort, après quoi elle reçut la bastonnade, de règle en pareil cas. À la prison, les blessures très-graves qu’elle avait reçues la faisaient beaucoup souffrir ; elle n’en fut pas moins fidèle à l’oraison et à tous ses autres exercices de piété.

Mais, ce qui occupait surtout son âme et lui causait une grande inquiétude, c’était sa jeune fille Anastasie. Cette pauvre enfant ayant suivi sa mère chez Protais Hong, était tombée avec elle entre les mains des satellites, et partageait sa prison et ses souf-