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Deux faits seulement méritent d’être signalés. Quelques chrétiens s’étaient établis dans un village isolé de la province de Kang-ouen, lorsque, vers la fin de la troisième lune, un d’entre eux étant allé à son ancienne demeure chercher ses effets, fut rencontré à son retour par les satellites. Ils le traitèrent de voleur, et mirent la main sur son petit bagage. Le pauvre homme, effrayé, perdit la tête, déclara qu’il était chrétien, et fut en conséquence traîné à la prison de Tsioun-tsien, ainsi que les membres de sa famille et quelques voisins, en tout neuf personnes. L’un d’eux mourut en prison avant que le mandarin eût examiné leur affaire ; les autres se rachetèrent par une lâche apostasie.

Deux mois plus tard, à la cinquième lune, Joseph T’soi que, depuis la persécution, on avait laissé languir dans la prison de Hong-tsiou, terminait glorieusement sa carrière de souffrances. Joseph, surnommé Tai-tsong-i, et parent du martyr François T’soi, était du village de Tarai-kol, district de Hong-tsiou. Pendant de longues années, il avait édifié les chrétiens par sa piété filiale, par sa résignation joyeuse dans une extrême pauvreté, par son assiduité à la prière, lorsqu’à la huitième lune de 1839, sur la dénonciation d’un* apostat, il fut pris et conduit au tribunal criminel de Hong-tsiou. Il eut à subir de nombreux interrogatoires et des tortures sans nombre, mais son courage n’en fut point ébranlé. Enfermé à la prison des voleurs, jour et nuit chargé d’une lourde cangue, n’ayant pas assez d’espace pour se coucher de tout son long, maltraité par les geôliers qui lui volaient souvent sa maigre pitance et le laissaient plusieurs jours de suite sans nourriture, il fut, après quelques semaines, mis de nouveau à la question. La nature épuisée céda, et il laissa échapper une parole d’apostasie, mais, quelques instants après, il revint à lui-même, pleura sa faute, fit une rétractation publique, et soutint, sans faiblir, toutes les tortures que lui infligea le mandarin exaspéré. On le renvoya à la prison.

Un de ses frères, ayant pu le visiter, lui demanda quels supplices il avait eu à supporter. Joseph refusa de répondre, et dit : « Non, si mon vieux père apprenait ces détails, il en souffrirait trop. Il faut, au contraire, chercher à le consoler. » À la fin de la persécution, tous les autres chrétiens, compagnons de sa captivité, furent mis en liberté. Il resta seul, probablement parce qu’on voulait le punir d’avoir rétracté son apostasie. Presque sans vêtements, il eut beaucoup à souffrir des rigueurs de l’hiver, mais on ne l’entendit jamais se plaindre, et, tant que ses forces le lui permirent, il accomplit régulièrement chaque jour