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paroles équivoques dont il se repentit beaucoup dans la suite ; aussi disait-il souvent qu’il désirait, en expiation, donner sa vie pour Dieu. La persécution de 1846 lui en fournit l’occasion. Il avait un grade dans une compagnie de soldats de la capitale, lorsqu’à la cinquième lune intercalaire, il fut dénoncé par un chrétien de la province, saisi et conduit au grand juge criminel. Ce magistrat lui dit : « Si tu veux apostasier, non-seulement je te conserverai la vie, mais je te promets que tu ne perdras pas ta place. » Pierre s’y refusa et aussitôt on le frappa si violemment que les bâtons de supplice se brisèrent. Trois jours après, il fut conduit devant un autre tribunal, et on appela une dizaine de ses camarades pour tâcher de le faire changer de résolution. Paroles séduisantes, témoignages d’affection, menaces, tout fut mis en jeu, mais inutilement. « J’ai bien réfléchi, dit Pierre aux juges, j’ai bien réfléchi sur la vie et sur la mort, et c’est après mûre réflexion que j’ai parlé, veuillez ne plus m’interroger là-dessus. J’en serai quitte pour mourir. » Il était en prison depuis trois mois, quand arriva l’ordre du roi. On croit qu’il avait alors quarante ans.

Laurent Han Pieng-sim-i était d’une famille noble du district de Tek-san. D’un caractère droit, dévoué et ferme, il fut instruit de la religion à l’âge de quatorze ans, et l’embrassa de suite avec ardeur. Il restait souvent des heures entières en contemplation devant le crucifix, et s’excitait à une vive contrition de ses fautes. Les dimanches et jours de fête, il allait faire ses exercices de piété dans un village chrétien à dix lys de chez lui, et ni la pluie, ni le vent, ni le mauvais temps ne pouvaient le retenir. À l’âge de vingt-un ans il se maria à une chrétienne, et émigra aussitôt dans les montagnes.

Comme il ne manquait jamais de soulager les pauvres et de secourir ceux qui étaient dans le besoin, il y avait toujours chez lui une grande affluence et sa maison ressemblait à une auberge. Il recevait tous les indigents avec joie, et s’il en rencontrait dont les vêtements fussent par trop misérables, il leur donnait ses propres habits. Quand on lui disait qu’il poussait les choses trop loin, il répondait : « Couvrir la nudité du prochain et rassasier sa faim ce n’est pas donner gratis ; le temps viendra de tout recevoir de Dieu à gros intérêts. » Le jour il se livrait à la culture, mais, quelque pressés que fussent les travaux, il ne travaillait jamais l’après-midi des jours chômés[1]. Chaque nuit

  1. En Corée, comme en Chine, au Tong-King, et dans quelques autres missions de l’extrême Orient, les chrétiens peuvent, d’après une ancienne permission du Saint-Siège, travailler le dimanche depuis midi.