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nous ne voyons pas avec peine qu’il vous suive. Quant à Joseph Taon, je vous l’accorde bien volontiers. »

« Le 12 avril, on nous annonça qu’il fallait se préparer au départ pour le Kiang-nan. Quand je voulus faire mes malles et compter mon argent, je me trouvai avoir juste deux cent soixante francs d’argent monnayé ; tout le reste ne passait pas. Avec cette modique somme, il me fallait entreprendre un voyage de sept à huit cents lieues. Je renvoyai mon courrier à Macao, pour changer les pièces qui n’avaient pas cours et m’en apporter de nouvelles. Depuis ce temps-là, je n’ai revu ni courrier ni argent.

« Le 23, nous allâmes à bord de la barque qui devait nous conduire à Nanking, et nous levâmes l’ancre le 27. Notre navigation fut plus agréable que la précédente ; cependant nous eûmes souvent des brouillards si épais, qu’on ne distinguait rien à deux ou trois encablures de distance. Les barques qui marchaient de conserve se hélaient à l’aide d’un bambou, pour qu’on ne s’écartât pas trop, et qu’on ne tombât point au pouvoir des pirates. On était quelquefois obligé de jeter l’ancre, de crainte d’aller se briser contre des rochers que l’on n’aurait point aperçus à temps dans l’obscurité. Depuis le mois de février jusqu’au mois de mai inclusivement, ces mers sont souvent couvertes d’une brume épaisse ; mais, lorsqu’elle se dissipe, l’air devient très-pur, et l’on distingue fort bien les objets à une grande distance : c’est l’observation de La Peyrouse. Il me semble que j’ai observé quelque chose de semblable.

« Le 6 mai, un peu avant le lever du soleil, nous fûmes jetés sur un banc de sable. Heureusement le vent était faible, et les pirates n’étaient pas là pour s’apercevoir de notre embarras. Nous parvînmes enfin à sortir de ce mauvais pas ; on sonda, on ne découvrit aucune voie d’eau.

« Le 10 et le 11, nous fûmes vus et probablement reconnus comme Européens par trois individus qui vinrent à bord. L’un d’eux, pour nous voir plus à son aise, ouvrit la porte de la cabane dans laquelle un de mes confrères s’était caché. Celui-ci fut un peu offensé de cette curiosité intempestive ; mais notre subrécargue, homme intrépide, nous assura qu’il n’y avait rien à craindre. Comme nous continuâmes notre route, ils n’eurent point le temps d’exécuter leurs mauvais desseins, s’il est vrai toutefois qu’ils en aient eu de mauvais.

« Le 12, nous arrivâmes au port d’Hia-pou, dans la partie septentrionale de la province de Che-kiang. Peu après nous descendîmes à terre, nous louâmes un bateau qui nous trans-