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Cette première année de l’apostolat de Mgr Berneux fut assez tranquille ; les missionnaires ne furent pas trop inquiétés. Le Père T’soi seul courut un danger sérieux, qu’il raconte comme il suit, dans une lettre à M. Legrégeois. « Je fus un jour appelé à un village nommé Tsimpa-tel, composé presque entièrement de néophytes depuis peu convertis à la foi. Ces braves gens étaient préparés à recevoir le sacrement de la régénération et attendaient ardemment la venue d’un missionnaire. Après avoir, dans la soirée, entendu quelques confessions, et terminé le baptême des enfants, j’avais, le lendemain matin, commencé à conférer la même grâce à quinze adultes, et je m’apprêtais à dire la messe avant l’aube du jour, quand tout à coup une troupe de païens cerne la cabane où je célébrais les divins mystères, et s’efforce de pénétrer jusqu’à moi, pour se saisir des ornements et des vases sacrés. Mais les chrétiens, qui étaient là rassemblés, bien qu’inférieurs en nombre, s’opposent à leur invasion, et une lutte s’engage entre eux, les brigands voulant forcer la porte et les chrétiens se serrant pour la défendre. Pour moi, aidé de quelques fidèles, je lis disparaître ma chapelle à la hâte, et m’échappant par une porte dérobée, je pus, à la faveur de la nuit et des forêts, m’enfuir dans les montagnes.

« Tandis que, suivi de quelques néophytes, j’errais ainsi, les pieds nus et à l’aventure, au milieu des roches et des épines, les païens finirent par être mis en fuite, après un combat qui laissa plusieurs blessés de part et d’autre.

« Ces misérables, furieux de n’avoir rien pu obtenir par la violence, vont dénoncer le village au mandarin, qui en fait saisir les cinq principaux habitants, et les fait jeter en prison. L’un d’entre eux, nommé Paul Ny, chrétien depuis huit ou neuf ans, et déjà plein de zèle et de vertus, était le catéchiste de Tsimpa-tel. L’autre, appelé Augustin Ha, était conseiller du mandarin, et le premier dignitaire après lui. Sa conversion date de trois ans, et il a gagné beaucoup de païens à l’Évangile ; aussi a-t-il été saisi comme propagateur de la religion chrétienne. Les trois autres sont des catéchumènes convertis depuis moins d’un an. Ils étaient au nombre de ceux que je baptisais, quand les païens sont venus pour me prendre.

« Le premier d’entre eux appartient à l’une des plus nobles familles de la Corée. Après avoir reconnu la vérité de notre foi, il s’était réfugié chez les chrétiens de ces montagnes, afin de pouvoir la pratiquer plus librement qu’au sein de sa famille. Quant aux deux autres, ce sont des parents d’un renégat. Ce