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réponse peu convenable faite au commandant français en 1847 ; il ne croyait pas que la France pût laisser cette mort impunie, et se tenir satisfaite d’aussi pauvres explications. Le ban et l’arrière-ban de la milice, c’est-à-dire presque tous les hommes valides du royaume, reçurent l’ordre de se tenir prêts pour entrer en campagne au premier signal. Mais comme l’immense majorité de ces pauvres gens sait à peine de quelle main il faut tenir l’arc, la famille royale et les ministres qui ne se faisaient pas illusion sur leur vaillance, firent préparer dans les montagnes du nord-est divers lieux de refuge, pour y mettre en sûreté, le cas échéant, leurs personnes et leurs trésors. Les missionnaires, de leur côté, croyaient entrevoir le jour où la liberté de religion leur permettrait de convertir les païens par milliers. Malheureusement, l’espoir des uns et la crainte des autres étaient également chimériques.

« En attendant l’accomplissement de tant de belles espérances, » écrivait Mgr Berneux l’année suivante, « nous travaillons de toutes nos forces, mais avec d’extrêmes précautions. La hache est toujours suspendue sur nos têtes, et le moindre accident pourrait nous attirer une sanglante persécution. Vous comprenez que, dans la situation où nous sommes, nous ne pouvons avoir ni chapelle, ni lieu de réunion pour nos chrétiens. Le dimanche, ils s’assemblent au nombre de douze ou quinze, tantôt dans une maison, tantôt dans une autre, toujours secrètement, pour ne pas mettre les païens sur leurs traces. Ils récitent ensemble, à voix basse, les prières prescrites par l’évêque, et entendent l’explication de l’Évangile du jour ; le reste de la journée est employé à dire le rosaire, à étudier le catéchisme et à l’enseigner aux enfants. Voilà à quoi se réduit, pour les Coréens, la sanctification du dimanche ; leur permettre de venir assister à la messe serait tout perdre, et m’exposer au danger certain d’être pris avant un mois.

« C’est aussi dans la maison des néophytes que se fait la mission, qui commence ordinairement au mois de septembre. Cette époque est attendue impatiemment par les chrétiens ; c’est le seul jour de l’année où ils peuvent recevoir les sacrements, dont ils sont saintement avides, la seule fois aussi qu’ils peuvent voir le missionnaire, pour lequel ils ont une vénération toute filiale. Lorsque les catéchistes ont déterminé les maisons où les réunions doivent se tenir, et qu’ils en ont indiqué à chacun le jour et le lieu, je me rends dans la demeure où la mission doit s’ouvrir, et où m’attendent trente ou quarante néophytes. Une petite chambre