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naissance sert dans les superstitions des funérailles, jamais elle n’a dit son âge, afin d’empêcher autant qu’il était en elle, qu’on en fît à son enterrement ; bien plus, elle a pris à tâche de l’oublier elle-même, et elle y a réussi. Quant au reste de sa conduite, elle mettait une attention extrême à éviter tout ce que sa conscience lui disait devoir déplaire à Jésus-Maria. Dieu me fasse la grâce un jour de porter à son tribunal une conscience aussi pure que celle qu’elle a apportée au baptême !

« Pendant ces quarante-quatre années, elle n’avait pas rencontré un seul chrétien, mais, à la fin, son beau-père et sa belle-mère étant morts, son mari quitta sa maison et vint demeurer dans un autre village. Là, elle entendit parler en très-mauvais termes des habitants d’une maison isolée du voisinage. On les regardait comme des impies, des scélérats, et tout le monde les détestait, parce qu’ils ne faisaient pas de superstitions. « Oh ! se dit-elle, s’ils ne font pas de superstitions, ils doivent connaître Jésus-Maria, » et, vite, elle alla les trouver. C’étaient des chrétiens. Dès ce moment elle n’eut plus qu’une pensée, celle de se préparer au baptême ; mais elle est si vieille, sa mémoire est si rebelle, qu’elle y a déjà travaillé plusieurs années. Dans cet intervalle, elle n’a pas encore pu apprendre le catéchisme tout entier, mais elle a réussi à convertir son mari, son fils et sa bru. Le fils seul était prêt lors de mon passage. Quant à elle, si j’avais suivi la règle de la mission dans toute sa rigueur, je n’aurais peut-être pas dû la baptiser ; mais comment résister à ses larmes ? comment résister à une bonne volonté si éprouvée ? La refuser, c’eût été contrister le Saint-Esprit qui me l’amenait de si loin et par un chemin si rude. »

La lettre de Mgr Berneux, citée plus haut, évaluait à plus de douze cents le nombre des catéchumènes au commencement de novembre 1859. Deux mois plus tard, ce chiffre s’élevait à deux mille, dont près de la moitié allaient recevoir prochainement le baptême. Le mouvement de conversion était plus prononcé que jamais, lorsque, dans la dernière semaine de décembre, la jalousie de l’enfer fit éclater une violente persécution qui arrêta subitement ce progrès, et qui, sans l’intervention miséricordieuse de la Providence, eût pu aisément devenir fatale à l’Église de Corée, en la privant de ses pasteurs.

Le juge criminel préposé à la police générale, se trouvait être un mandarin militaire, dont le père et le grand-père s’étaient signalés, dans les persécutions de 1801 et de 1839, parmi les plus acharnés persécuteurs. Pressé par la haine du nom chré-