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rent sur les remparts, qui ont soixante pieds de large et sont pavés de grosses pierres. Ils y dressèrent leurs tentes, et y installèrent leur artillerie.

L’empereur avait pris la fuite. Son frère, le prince Kong, ayant montré ses lettres de créance signées avec le pinceau vermillon, les conditions de la paix furent arrêtées avec lui. Les Chinois promirent d’observer le traité de 1858 ; la ville de Tien-tsin devait être occupée jusqu’à la pleine exécution des articles principaux. Les Anglais obtinrent la ville de Kao-long située sur le continent, en face de l’île de Hong-kong. Dans le traité français on inséra une clause portant que les églises et cimetières possédés autrefois par les chrétiens leur seraient rendus, et l’on commença immédiatement par la restitution de la grande église de Péking, construite sous le règne de Kang-hi. Les plénipotentiaires s’imaginaient naturellement avoir fait une paix définitive ; les missionnaires et les marchands européens habitués à la perfidie innée des Chinois, n’avaient pas une aussi grande confiance. Mais enfin, la leçon était si terrible, le prestige de la dynastie tartare et de la ville impériale était si fortement ébranlé par ce coup inattendu, qu’il y avait tout lieu d’espérer qu’avant de chercher aux chrétiens ou aux Européens une nouvelle querelle, les mandarins intimidés y regarderaient à deux fois.

Vers la fin de l’année 1860, on apprit en Corée les premières nouvelles de l’expédition européenne. « Les diables d’Occident, » disait-on, « sont venus sur de nombreux navires ; ils veulent avec des milliers et des milliers de soldats envahir l’Empire du Fils du Ciel. » La cour était très-inquiète, et un mandarin militaire, assez haut placé, présenta au conseil des ministres un mémoire sur les trois grands dangers que courait le pays, et sur les meilleurs moyens de défense.

Le premier péril était que l’empereur, vaincu par les Européens, ne vint chercher un refuge en Corée, ou, du moins, ne passât par le nord du royaume pour se rendre à une forteresse tartare située sur la frontière du nord-est. L’auteur du mémoire examine par quels chemins il pourrait venir, et conclut qu’il faut fortifier tous les passages et y envoyer des troupes, afin que l’empereur, effrayé par cet appareil de guerre, n’ose pas mettre le pied sur le sol coréen. Le second danger, plus grand que le premier, c’était l’invasion possible des bandits qui peuplent le Nasan-kouk, c’est-à-dire l’étendue considérable de forêts et de terres incultes qui sépare la Corée de la Mandchourie. Autrefois ce pays était soumis nominalement à la Corée, mais des conflits