Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/504

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mort presque subitement. Que le bon Dieu soit béni des épreuves auxquelles il nous soumet ! De grâce, envoyez-moi au moins quatre confrères, six même si c’est possible. Je désire envoyer quelques enfants au collège de Pinang, mais je suis arrêté par la difficulté de les faire conduire à Hong-kong. »

Dans cette lettre, Mgr Berneux n’oubliait qu’un détail ; c’est qu’au moment de son arrestation, il avait été cruellement maltraité et avait reçu, en pleine poitrine, plusieurs coups de pied dont il souffrit longtemps. Le saint évêque, heureux de participer au calice d’amertume du Sauveur Jésus, passait cette circonstance sous silence ; mais les lettres de ses confrères ont révélé ce que son humilité voulait cacher.

À la vue de ce mouvement qui, dans toutes les provinces à la fois, se manifestait en faveur de la religion, à la vue de ces conversions importantes qui semblaient le prélude d’une multitude d’autres, les missionnaires bénissaient Dieu, et leur cœur s’ouvrait aux plus magnifiques espérances. Mais les desseins de la Providence divine sont impénétrables. Au commencement de l’année 1864, survint un événement, de peu d’importance en lui-même, qui néanmoins eut pour la religion, en Corée, les suites les plus funestes, et prépara les voies à cette épouvantable persécution qui dure encore maintenant, et a fait déjà d’innombrables victimes. Le roi Tchiel-tsong mourut le 15 janvier, après un règne de quatorze ans, et à sa mort, une révolution de palais fit passer le pouvoir dans les mains d’une famille qui avait toujours été très-hostile aux chrétiens.

M. Pourthié écrivait, en novembre 1863 : « Aujourd’hui, en Corée, grands et petits, mandarins et peuple, tous sont préoccupés ; un souci agite tout le monde, notre roi paraît être sur le point de mourir. Ce n’est pas lui qui règne, mais c’est la famille Kim, à laquelle appartient la reine sa première femme, qui gouverne sous son nom. Néanmoins, comme toutes les fois que nos fantômes de rois disparaissent de la scène, les partis sont plus disposés à élever des prétentions et à lutter contre les familles au pouvoir, l’inquiétude publique est parfaitement légitime. Le roi actuel ne sera, je crois, guère regretté. Quand il fut appelé au trône en 1849, à l’âge de dix-neuf ans, les grands personnages qui allèrent le saluer roi dans son exil à Kang-hoa, le trouvèrent avec des vêtements couverts d’ordures, les mains sales, le visage tout barbouillé du jus d’un melon qu’il mangeait à belles dents. On le lava, et on l’amena à la capitale. Installé dans son palais et reconnu pour roi, il n’a pas fait du mal au peuple, car il n’a rien