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le lendemain ou surlendemain, on le transféra à la prison du Keum-pou, réservée aux nobles de condition élevée et aux criminels d’État. Cette prison est moins sale et moins obscure que l’autre ; il y a une espèce de plancher. Chaque détenu est placé dans une petite cellule qui n’a aucune communication avec les autres, et de peur que les prisonniers ne puissent se parler à travers les cloisons, on agite continuellement des clochettes suspendues dans toutes les directions, ce qui rend toute conversation à peu près impossible. Cette prison a trois grands compartiments, ceux de l’est et de l’ouest, pour les individus condamnés à l’exil ou à l’emprisonnement perpétuel, et celui du midi pour les condamnés à mort. C’est dans ce dernier que fut placé Mgr Berneux. Marthe Pak a raconté qu’en apprenant l’arrestation de l’évêque, la mère du roi manifesta la plus vive douleur, et fit entendre, en présence de son fils aîné, d’énergiques protestations. « Oui, » criait-elle, « tous les magistrats du royaume se sont réunis contre mon mari pour renverser le trône de mon jeune fils. Quel tort leur ont fait les prêtres de l’Occident ? Quel tort leur a fait mon fils ? les soldats européens viendront certainement le tuer ici pour venger leurs prêtres. » Mais on ne tint nul compte des larmes et des plaintes de la princesse, et, le 26, Mgr Berneux fut amené devant le tribunal ; tous les ministres y étaient réunis.

Dans une cour spacieuse, formant un carré, s’élèvent d’un côté plusieurs tribunes où siègent les juges et d’autres mandarins. Au milieu de cette cour est un chaise solidement fixée, sur laquelle le prévenu est assis la face tournée vers les juges. Les pieds sont liés ensemble au-dessus de la cheville ; le pantalon relevé laisse les jambes à découvert ; une autre corde passée au-dessus des genoux les serre l’un contre l’autre ; enfin, les bras et les épaules sont tenus immobiles, attachés au dos de la chaise de telle sorte que le patient ne puisse, malgré toutes les tortures, faire aucun mouvement. À ses côtés, quatre, six ou huit bourreaux, debout sur deux lignes, sont armés des instruments de supplice. Le scribe chargé d’écrire les réponses et les dépositions est assis un peu en arrière, derrière un voile. Une compagnie de soldats (environ quatre-vingts), se tient à quelques pas, formant le demi-cercle et faisant face à la tribune des juges. D’autres soldats en plus grand nombre empêchent les curieux d’approcher de trop près. Pendant tout le temps que dure l’interrogatoire, les soldats qui sont auprès du patient font entendre un bruit sourd et cadencé de façon à couvrir ses paroles ou ses