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et le garda avec lui jusqu’au jour de son martyre. Sur le déclin de la persécution de 1839, Pierre fut arrêté avec quelques autres chrétiens, mais les satellites se contentèrent de leur extorquer de l’argent. Il s’attacha ensuite au service du P. André Kim, l’accompagna dans la frêle barque coréenne qui alla en Chine chercher Mgr Ferréol et M. Daveluy, et fut son fidèle assistant jusqu’à son martyre en 1846. Ensuite Pierre se maria, et s’installa dans un des faubourgs de la capitale. Il faisait un petit commerce, et vivait dans une honnête aisance, employant son temps libre à transcrire des livres de religion ou à fabriquer des chapelets. Il ne perdait aucune occasion d’exhorter les païens ou d’instruire les catéchumènes, et sa vie exemplaire donnait une grande autorité à ses paroles. Mgr Berneux jeta les yeux sur lui pour exécuter le projet, longtemps ajourné, de l’établissement d’une imprimerie. Pierre s’y prêta avec zèle, malgré les dangers d’une pareille œuvre, et pendant quatre ans, il répandit parmi les chrétiens plusieurs milliers de volumes. De là son arrestation.

Pendant le procès de Mgr Berneux, le grand juge, étonné du nombre de livres que les satellites avaient confisqués, demanda au traître Ni Son-i d’où venaient tous ces livres. Celui-ci dénonça Pierre Tseng et son associé imprimeur, Joseph Im, et aussitôt des satellites furent lancés à leur poursuite. Mais en apprenant qu’on venait de saisir l’évêque, Pierre, prévoyant le danger qui le menaçait lui-même, s’était réfugié depuis deux jours dans une auberge à quelque distance. Les satellites, ne le trouvant pas, maltraitèrent cruellement sa femme, mais elle ne voulut point faire connaître la retraite de son mari. Puis, quoique la maison fût gardée la nuit par des soldats, elle parvint à s’échapper, laissant au logis un vieillard impotent, à qui Pierre fournissait gratuitement un gîte et la nourriture, un chrétien nommé Matthieu Ni, gravement malade, dont nous parlerons bientôt, et une jeune servante de quatorze ans. Les satellites se voyant joués, saisirent cette enfant par les cheveux, et avec les plus terribles menaces, la forcèrent de les conduire à l’auberge où Pierre était caché. Ils se jetèrent sur lui, l’accablèrent de coups de pied et de coups de poing, mirent en lambeaux son chapeau et ses vêtements, et le traînèrent devant le juge. L’aubergiste chrétien qui lui avait donné asile, n’eut que le temps de s’enfuir avec sa femme ; sa maison fut pillée, puis vendue.

Joseph Im dénoncé en même temps que Pierre demeurait dans le voisinage. Les satellites ne le trouvèrent point, car deux ou trois semaines avant la persécution, il avait vendu sa maison et