Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/549

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maîtres d’occident. Tous étaient stupéfaits de l’air de piété et de satisfaction qui paraissait sur leurs traits. À la ville de Iang-tsi, un des employés du mandarin regardait d’un air triste ces jeunes hommes que l’on conduisait à la mort. Il s’approcha de M. Petitnicolas et lui dit à demi-voix : « Maître, si on regarde votre âme, ce que vous faites est bien beau ; mais si on regarde votre corps, c’est bien déplorable. » À ces paroles, inattendues de la part d’un païen, le missionnaire ému lui prit la main en témoignage de satisfaction, lui demanda qui il était, et ajouta d’un ton affectueux qu’il ne désespérait pas de le revoir un jour. Dans un autre village, où l’on devait passer la nuit, un groupe de païens causaient entre eux des Européens que l’on mettait à mort, et particulièrement de l’évêque. Quelques-uns répétaient, d’un air moqueur, les calomnies habituelles contre les missionnaires. M. Petitnicolas s’approcha d’eux, les réprimanda de ce qu’ils jugeaient et condamnaient, d’une manière aussi téméraire et aussi injuste, des maîtres de religion qui jamais n’avaient fait de mal à personne, et parvint à faire cesser leurs propos inconvenants.

Arrivés à la capitale, MM. Pourthié et Petitnicolas furent immédiatement traduits devant le grand juge du tribunal de droite, le même qui avait interrogé leurs confrères. On leur posa les mêmes questions : Vos noms ? votre pays ? qui vous a amenés ? qu’êtes-vous venus faire ? connaissez-vous l’évêque Tjiang (Mgr Berneux), etc. ; ils y firent des réponses analogues à celles déjà données. « Qu’arrivera-t-il si on vous fait mourir, ajouta le juge. — Après notre mort, dit M. Petitnicolas, la Corée subira de grands désastres. » Divers témoignages nous apprennent que M. Pourthié, épuisé par la maladie, ne prononça que quelques mots devant le grand juge. M. Petitnicolas portait habituellement la parole. C’est pour cela, peut-être, qu’il fut plus souvent et plus cruellement flagellé, et percé de bâtons pointus. M. Pourthié, dit-on, ne subit que trois fois cette double torture. On se dispensa envers les nouveaux prisonniers de la plupart des formalités légales employées pour les premiers confesseurs. Ils demeurèrent à la prison du Kou-riou-kan, et ne furent point envoyés au Keum-pou ; leur sentence, rendue presque aussitôt, fut exécutée le troisième jour après leur arrivée. Le 11 mars, on les conduisit à Sai-nam-to, avec les mêmes cérémonies que l’on avait faites trois jours auparavant pour les autres missionnaires, et un grand déploiement de troupes ; tout se passa de la même manière. La tête de M. Pourthié tomba au premier coup, celle de M. Petitnicolas au troisième seulement.