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se soignant avec une affection réciproque dans leurs fréquentes maladies, et Dieu voulut consacrer leur amitié en permettant qu’entrés ensemble et le même jour en Corée, ils prissent ensemble le chemin du ciel.


En se rendant au lieu du supplice, les missionnaires étaient accompagnés de deux chrétiens qui suivirent glorieusement leurs traces : c’était Marc Tieng et Alexis Ou. Marc Tieng, d’une famille noble du district de Souen, dans la province de Kieng-kei, était professeur de chinois, lorsqu’en 1839, il fut, par hasard, témoin du martyre de Mgr Imbert et de MM. Maubant et Chastan. Il avait alors quarante-six ans, et regardait la religion chrétienne comme une secte pernicieuse, justement condamnée puisqu’elle interdit les sacrifices aux ancêtres. Néanmoins, frappé de la joie toute céleste avec laquelle les missionnaires et les chrétiens de toute condition allaient à la mort, il eut la curiosité d’étudier la religion qui produisait cet effet merveilleux, et se procura quelques livres. Son âme naturellement droite eut bientôt compris la vérité ; il se rendit en s’écriant : « J’avais cru qu’un chrétien ne pouvait pas être un homme de bien, et maintenant je vois que, pour devenir véritablement homme de bien, il faut être chrétien. » Mgr Ferréol, à son arrivée, trouva en lui une foi si vive et une vertu si éprouvée, qu’il l’institua catéchiste de la capitale, fonction qu’il a remplie, à l’édification de tous, jusqu’à sa mort. Mgr Berneux avait pour Marc une sorte de vénération, et plusieurs fois il dit à ses missionnaires : « Voyez ce vieillard, ses jours sont pleins et sa voie est droite. Je voudrais bien avoir au ciel une aussi belle place que lui. » Son zèle était admirable ; sans cesse il était occupé à instruire les chrétiens et les catéchumènes, à visiter et consoler les malades, à les préparer à la réception des sacrements. Toujours égal à lui-même, toujours le sourire sur les lèvres, il était à toute heure du jour et de la nuit à la disposition de ceux qui l’appelaient, et jamais on ne le vit se mettre en colère. Il était très-pauvre, et comme il ne voulait rien accepter des chrétiens, sa table était plus que frugale, car il n’avait pour vivre d’autres ressources que le travail de sa femme. Tous les chrétiens l’aimaient comme un père et le vénéraient comme un saint.

Quand la persécution éclata, il fit évader son neveu Paul Phi, mais ne voulut point se cacher lui-même, disant qu’après l’arrestation de l’évêque, il était plus nécessaire que jamais pour lui de rester à son poste près de M. de Bretenières, et à la disposition