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n’osèrent en approcher. Le soir du troisième jour, les païens du voisinage les ensevelirent dans le sable, au lieu même de l’exécution. Quelques semaines plus tard, la famille apostate de Luc Hoang vint déterrer son corps. Au commencement de juin, quand la persécution fut un peu assoupie, quelques chrétiens allèrent recueillir les corps des quatre autres martyrs ; tous étaient intacts, celui de M. Huin seul portait une légère trace de corruption. Ils apportèrent ces restes précieux près d’un village du district de Hong-san, à trois lieues de la côte, et n’ayant pas le moyen d’acheter des cercueils séparés, ils creusèrent une seule fosse très-large, placèrent sous chaque corps une planche épaisse, et les enterrèrent ensemble.

Il y avait vingt et un ans que Mgr Daveluy était entré en Corée avec Mgr Ferréol, et neuf ans qu’il avait été sacré évêque par Mgr Berneux. Ce dernier ayant été mis à mort le 8 mars, Mgr Daveluy, en vertu de son titre de coadjuteur avec future succession, lui succéda le jour même, et fut vicaire apostolique pendant vingt-deux jours. C’était le cinquième évêque de Corée. Nous avons eu si souvent occasion de parler de ce vénérable prélat, de citer ses lettres, de mentionner ses travaux pour l’histoire des martyrs, pour la composition et la correction de livres pieux en langue coréenne, qu’il est inutile d’y revenir. À un zèle ardent du salut des âmes, à une persévérance infatigable dans le travail, Mgr Daveluy joignait une grande mortification et une résignation parfaite à la volonté divine. Dieu qui aime à purifier et à perfectionner ses élus, permit qu’il fût tourmenté non-seulement par de continuelles infirmités, mais par des peines intérieures très-violentes. Cette dernière épreuve dura plus de cinq ans. Il la supporta avec une patience admirable ; il profita de cette croix pour s’unir plus intimement à Jésus crucifié, et mérita ainsi le bonheur d’être mis à mort le même jour que son Sauveur.

M. Aumaître n’était dans la mission que depuis deux ans et demi, M. Huin que depuis huit mois. Dans ce court intervalle, ils s’étaient fait aimer et apprécier de leurs confrères et des chrétiens, par leur piété sincère, leurs vertus et leur ardeur au travail. Dieu qui sonde les cœurs et les reins, se contenta de leur bonne volonté, et les trouva mûrs pour le ciel. M. Huin disait en allant au supplice : « Il ne m’en coûte ni de mourir jeune, ni de mourir d’un coup de sabre ; mais il m’en coûte beaucoup de mourir sans avoir rien fait pour le salut de ces pauvres païens. »