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de Corée responsable de tous les malheurs qu’entraînerait la guerre. Cette lettre de l’amiral resta sans réponse.

« Les Coréens continuaient à se réunir sur tous les points du voisinage. Un jour un chrétien vint me dire que, la veille, trois cents Coréens, chasseurs de tigres et habiles tireurs, venaient de passer dans l’île, et que, la nuit suivante, il en passerait encore cinq cents qui iraient rejoindre les autres, et s’enfermer dans la pagode de Trieun-tong-sa, dans l’île même de Kang-hoa, à trois ou quatre lieues au sud de la ville. Je me hâtai d’en prévenir l’amiral. Ce jour-là même, une baleinière qui faisait de l’hydrographie avait été attaquée tout auprès de l’endroit où s’effectuait le passage. L’amiral résolut de faire attaquer cette pagode, et détacha à cet effet cent soixante hommes. Sur son ordre, j’accompagnai l’expédition, tant pour guider la marche que pour servir d’interprète. Nous partîmes à six heures du matin. L’avant-garde nous précédait de quelques pas ; venait ensuite le commandant en tête de son détachement, puis quelques bagages et les chevaux qui portaient notre déjeuner. Nous n’avions pas d’artillerie, quoique la veille on eût parlé d’emmener quelques petites pièces ; je ne sais pourquoi on changea d’avis. Nous allions assez doucement, nous reposant d’heure en heure. En suivant la grand’route qui est assez belle, nous passâmes quelques collines, et nous aperçûmes bientôt des murailles qui longent le sommet des montagnes. Sur la route presque toutes les maisons étaient désertes. Un habitant nous dit que la veille il y avait beaucoup de soldats à la pagode. Nous vîmes en effet un certain mouvement aux environs, et plusieurs hommes qui gravissaient la montagne en se dirigeant vers la forteresse ; car cette pagode est en réalité une petite place forte habitée ordinairement par des bonzes soldats[1].

« Nous ne voyions pas la pagode même, car elle est placée dans un ravin, au milieu d’un cercle de montagnes, dont les sommets sont garnis de remparts de quatre mètres de hauteur, bâtis

  1. Il y a en Corée plusieurs espèces de bonzes : les bonzes lettrés qui s’occupent de la composition des livres et étudient les rites et les cérémonies du pays, les bonzes mendiants, et les bonzes militaires dont l’occupation est de préparer et de confectionner les armes. Ce sont eux qui fabriquent la poudre, fondent les canons, font ou du moins surveillent la construction des murailles. En Corée il y avait autrefois un grand nombre de bonzeries. J’en ai visité un certain nombre, toutes situées au sommet ou à mi-côte des montagnes, et toujours dans des lieux tranquilles, bien boisés et de difficile accès. Il est tout naturel, vu leur position au milieu des rochers, d’en faire des places fortes ; aussi la tradition rapporte-t-elle que plusieurs servirent à quelques grandes princesses, voire même à des reines, qui s’y cachèrent pour éviter les malheurs de la guerre. Note de M. Ridel.