Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/109

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Eh ! non M., le fils d’Harpagon qui le vole & lui manque de respect n’eſt pas plus criminel que ſon pere. Tous les crimes du fils font les ſiens puisqu’il en eſt la cauſe : & qu’en bonne logique on rend toujours la cauſe responſable de l’effet qui ne ſeroit pas ſans elle. Celui qui paie & qui arme un aſſaſſin pour tuer quelqu’un eſt plus criminel que l’aſſaſſin même. Les recéleurs ſont plus criminels aux yeux de la Juſtice que les voleurs, puisque ceux là encouragent ceux ci.

Quand Moliére donc fait voler un pere par ſon fils, qu’il fait déſirer à un valet l’occaſion de voler ſon Maître, c’eſt pour apprendre aux avares de combien de maux ils ſe rendent la cauſe. N’eſt il pas vrai que ſi Harpagnon ne refuſoit pas à ſon fils jusqu’au néceſſaire ; s’il ne portoit pas la lézine jusqu’à l’envoier boire un verre d’eau fraiche à la cuiſine, quand il ſe trouve mal en ſa précence ; & cela d’un ton à faire croire que ce Vilain a même regret à cette dépenſe ; n’eſt il pas certain en un mot que s’il n’étoit pas un monſtre dans la ſociété ſon fils ne commettroit pas les fautes qu’il commet & que ce pere indigne de l’être en eſt le premier auteur ? Pour peu qu’un avare ait envie de ſe corriger, n’y ſera-t-il pas déterminé, ne frémira-t-il pas en ſe comparant avec Harpagon vôtre protegé ? Il eſt odieux qu’un fils vôle ſon pere, il eſt odieux qu’il lui manque de respect ; mais ne m’avouerez vous pas que cela eſt mille fois plus excuſable quand le pe-