Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/158

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qu’elles ſont dans leurs mains, ces jeunes perſonnes ſont des Agnès dont la ſimplicité la candeur & la modeſtie annoncent la ſagesſe : c’eſt avec ces qualités qu’un objet céleſte paſſe dans les bras d’un mari mondain, au bout de ſix mois, un an, l’Agnès eſt dégourdie, le mari pendant ce tems s’eſt étudié à la former pour le beau monde : il l’a fait rougir d’avoir de la pudeur, elle baiſſoit les yeux à la moindre équivoque, la plus legere indécence la déconcertoit, maintenant elle fait rire à gorge deploiée des propros les plus ſaugrenus, plus de gravelures qui la choquent dans les brochures, on peut tout lui propoſer, pourvu que ce ſoit du ton de la Cour. Le mari qui voit ſa femme univerſellement courtiſée, s’applaudit de la belle cure qu’il a faite, il en reçoit les complimens avec beaucoup d’eſtime pour lui même, & ſe regarde comme un homme envoié du Ciel pour former les Dames, & les décraſſer de la morale du couvent, plaignez vous donc à préſent M. de ce que les femmes ne ſont pas raiſonnables ; qui les rend folles, s’il vous plait, ſi non les hommes ? ſous eux mêmes comment pouroient ils inſpirer le goût de la ſageſſe au beau ſexe ?

Voici quelque choſe de ſingulier & qui ne doit pas échapper à l’attention de vos lecteurs. Vous reprochez aux femmes leur étourderie & la licence de leur conduite avec les hommes & pour les rappeller à la pudeur par l’exemple des Animaux vous allez chercher vôtre morale dans un colombier : tout vous