Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/21

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vous vous déguiſez combien la mine eſt riche & que vous voulez en faire abandonner l’exploitation : viſitons la cette mine avec le flambeau de la vérité, qu’il diſſipe les ténébres du préjugé que vous voulez épaiſſir. Je ne me ſuis pas impoſé la loi de vous ménager beaucoup, vous m’en avez donné l’exemple, & ſi ma réplique vous paroit dure, prenez vous en à vôtre déclamation qui ne l’eſt aſſurément pas moins.

Primò, le Théatre eſt à vôtre avis l’écôle des paſſions, ſecundò, les Dames Françoiſes ont les mœurs des Vivandieres & ſont cauſe du peu de cas que l’on fait à Paris de la vertu. En troiſiéme lieu les Comédiens ſont des gens ſans mœurs, il n’eſt pas posſible qu’ils en aient, leur état s’y opoſe, & vous ne ſeriez pas ſurpris qu’ils fuſſent des fripons par ce qu’ils en jouent ſouvent le rôle au Théatre. En quatriéme lieu, nouveau Jonas, vous prédiſez la corruption des mœurs de Genève & ſa ruine, comme le Prophete a prédit celle de Ninive.

Le feu, l’enthouſiaſme, l’éloquence dont vous avez embelli ces quatre paradoxes vous ont acquis des partiſans que je veux détromper. Je n’ai pas aſſurement pour plaider la cauſe de la vérité, les avantages dont vous abuſez pour établir vos erreurs ; mais ſon éclat ſuppléera à l’inſuffiſance de ma plume. J’ecarterai ſeulement les nuages dont vous offusquez la raiſon, il ne faut que la montrer pour qu’on la ſuive, un beau ſtile n’ajoute rien à ſa puisſance.