Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/99

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Il eſt donc des remords.

Malgré cela M. je m’efforcerois ſi je jouois le rôle de Mahomet, de le rendre auſſi odieux qu’Atrée par la façon dont je prononcerois cette hemiſtiche : je ne l’exprimerois pas avec un transport involontaire qui laiſſe ſuppoſer un reſte de ſenſibilité louable dans le cœur d’un Scélérat, & par laquelle on rappelle peut-être mal à propos l’indulgence ou la compaſſion du Spectateur ; Je voudrois au contraire augmenter l’horreur que Mahomet inſpire faiſant ſentir par mon expreſſion que j’ai du dépit d’avoir aucun remord. Cela, je crois, rendroit plus naturelle & plus conſéquente la promptitude avec laquelle le faux Prophéte paſſe des remords à la réflexion ſcélerate & politique.

Je dois régir en Dieu l’Univers prévenu ;
Mon Empire eſt détruit, ſi l’homme eſt reconnu.

Vous me ſiffleriez ſans doute d’avoir ajouté un trait noir de plus au caractere de Mahomet ; mais ſi l’Auteur & le Public m’applaudiſſoient, croyez vous que je ferois beaucoup d’attention à vôtre mauvaiſe humeur ?

Oui je ſoutiens & j’en atteſte l’effroi des Lecteurs. Il faut avoir l’ame bien ſanguinaire, le jugement bien faux & le goût bien dépravé pour croire les maſſacres des gladiateurs, un ſpectacle moins odieux que celui de Mahomet ou d’Atrée : ceux ci ſont dévoués l’un & l’autre à l’exécration publique, les autres